Chers amis, chers collègues,
je me  permets de vous faire suivre une pétition, et de vous en toucher deux mots. Il s’agit d’une lettre ouverte au ministre de la Santé, Rudy Demotte, qui  concerne la législation en matière de psychothérapies et de psychanalyse. Cette pétition n’est corporatiste qu’en apparence; elle concerne des faits de culture au sens large – c’est pourquoi je vous la transmets.

Ce projet de loi vise à terme à empêcher la pratique de la psychanalyse hors d’un contexte médical ou universitaire, dans un cadre fixé par la Santé Publique. Le point délicat de la formation des thérapeutes, comme vous le lirez, est casus belli, mais il ne semble pas qu’il soit l’enjeu profond. En coulisses, se joue une violente bataille entre psychanalyse/psychothérapies et thérapies cognitivo-comportementalistes (des pratiques courtes et standardisées, prétendues scientifiques).  A l’horizon, s’impose en sourdine l’idéologie d’un gouvernement des experts, et parallèlement le basculement de l’idée même de souffrance psychique : au “symptôme” plus ou moins alambiqué dont se plaint un individu est substituée la notion de trouble dans le comportement. Aux experts de dépister les troubles, de les nommer suivant un lexique imposé, d’y apporter leurs remèdes étayés par la seule statistique – ou la chimie. Et de renvoyer à leurs chères études les psychanalystes, héritiers d’une tradition humaniste où tout symptôme peut être pensé comme une question posée à l’individu, qu’il peut utiliser pour relire son rapport au  monde, “trouble” par nécessité, et inventer des solutions imprévues. "Imprévues" étant le mot-clé.

Beaucoup d’artistes, de gens de culture, vivent dans une joyeuse ironie vis-à-vis de l’analyse, et c’est bien leur droit. La psychanalyse a été vivement attaquée “sur son aile gauche”, si je  puis dire, dans les années 70 (je pense par exemple à ‘L’anti-Oedipe’ de  Deleuze-Guattari). On lui reprochait en somme sa complicité avec l’ordre  patriarcal. Cet âge d’or de la pensée critique est loin, si loin derrière  nous, qu’on en pleurerait. Le débat est descendu de mille crans, il ne faut pas s’y tromper. En guise de pièce à conviction, j’invite les incrédules à lire un “signe des temps” qui  stupéfie : il s’agit d’une expertise de l’Institut français de la Santé et de la Recherche Médicale, qui vise au dépistage anticipé de la délinquance chez le jeune enfant. L’officiel Institut propose des tests sur l’enfant de 36  mois, en vue du dépistage, par exemple, de “l’indocilité” et “d’un  indice de moralité bas”. Voir ce site :
http://www.pasde0deconduite.ras.eu.org/index.php
Je vous laisse gamberger, rêvant à vos jeunes années.

Mais j’ai assez abusé de votre temps. Les  temps se durcissent, les amis ! Le monde va méchamment changer de style. Et le style est aussi notre affaire.

Bien cordialement
Jean-Luc  Plouvier,
musicien

Pour lire et signer la lettre  ouverte au ministre Demotte :  
https://www.squiggle.be/lettre/index.php?petition=2

Le  chapeau tel que je l’ai reçu :
La pratique de la psychanalyse est  menacée par de nouvelles règlementations mal éclairées. Cette pratique de la  liberté de penser et de la singularité est balayée au profit des thérapies  médicamenteuses et comportementales.
Une lettre ouverte a été envoyée par  la FABEP, Fédération des Associations belges de psychanalyse, au ministre Rudy  Demotte.
Dans le combat que mènent les psychanalystes pour la  reconnaissance auprès des services publics de la spécificité de leur  discipline, il est important de cosigner et de diffuser cette lettre à tous  ceux qui voudraient défendre cette pratique.
Ce lundi, la lettre ouverte à  Rudy Demotte et la lettre aux sympathisants avec les signatures, seront  envoyées à la presse.
Bien à vous
MF De Munck

En attaché : la lettre des associations  belges de psychanalyse

Sur les enjeux de la psychanalyse et du  comportementalisme, un article d’Yves Cartuyvels, doyen de la Faculté de  Droit aux Facultés universitaires Saint Louis : http://www.siueerpp.org/article.php3?id_article=50