Question qui n’est pas sans importance, si l’on considère que les mots font la réalité, donnent forme et existence aux choses !

Le mot patient signifie en latin « celui qui pâtit, celui qui souffre », et s’inscrit dans le registre médical. On est dans le soin, et le médecin va donc soulager son patient des maux qui le font souffrir. Nous sommes dans un discours médical, le médecin est l’agent du soin et le patient l’objet des dits-soins. Les fameuses plaintes des médecins sur la non-compliance des patients illustrent suffisamment cette relation où l’un est l’objet (de soin, certes, mais objet quand même) de l’autre.

Bien sûr, celui qui va consulter un psychanalyste parce qu’il a des symptômes souffre aussi, et peut-être pouvons-nous voir là une des raisons de l’emploi de ce mot par les psychanalystes. Une autre raison en serait la formation médicale d’un nombre important de psychanalystes, et même maintenant la formation de psychologue où l’autre n’est plus uniquement objet de soins, mais aussi objet de mesure – voir à ce sujet la toujours délicate question de l’analyse laïque, remise au goût du jour “grâce” aux discussions relatives aux réglementations de la profession. Voir aussi les Associations et Ecoles de psychanalyse où une large part est faite aux analystes de formation médicale, comme si cette formation restait, bien que de façon dénégative la plupart du temps, un must…, ambivalence qui transparaît à l’insu du psychanalyste lorsqu’il parle de son “patient”.

Car en effet, pour rester conséquent avec lui-même, un psychanalyste ne soigne pas mais analyse, pratique l’analyse. Certes, celle-ci a des effets thérapeutiques, heureusement d’ailleurs, mais la guérison n’est pas l’objectif final de celle-ci, elle vient de surcroît avançait Lacan. Alors, un analyste reçoit un analysé ou un analysant ?

C’est à Lacan que l’on doit ce terme d’analysant, rompant là avec l’usuel “analysé”. C’est d’ailleurs pourquoi dans les milieux lacaniens, si l’analyste parle à l’occasion de patient, il ne parle jamais d’analysé. Il me semble que ce terme d’analysé se retrouve quasi-exclusivement dans les courants qui se réfèrent à l’Association Psychanalytique Internationale (API ou IPA), créée en 1910 par Freud.

Lacan, dans son retour à Freud, a voulu remettre au cœur du processus analytique le sujet ; c’est le sujet qui a le savoir inconscient, l’analyste n’est que sujet-supposé-savoir. Et c’est parce que le sujet en analyse suppose que son analyste a ce savoir qu’il lui parle, qu’il se met à la tâche d’associer et d’accéder à son propre savoir. Ainsi, c’est lui, le sujet qui amène par ses associations, ses formations langagières, ses rêves le matériel de son analyse, son savoir inconscient ; plutôt que de se faire analyser ou d’être analysé – position passive, qui se rapproche de celle d’objet – il est analysant, pleinement acteur de son trajet analytique. Le participe présent met en valeur d’une part cette dimension de l’engagement du sujet dans ce processus de parole, et d’autre part resitue le savoir inconscient du côté du sujet. A charge pour l’analyste de s’offrir comme cause suffisante pour que le sujet accède à ce savoir. Quant à parler d’analysé, cela ne peut se faire, à mon sens, que lorsque l’analyse est finie, passée, comme l’indique ce participe.

Paris, janvier 2008