En tant qu’originaire de la Côte d’Ivoire, de culture africaine, comment répondre à la question d’une connaissance ou d’un collègue, comment ça se passe pour un psychanalyste africain ?

Autrement dit, quelles sont les motivations qui m’ont conduit vers la psychanalyse et, de surcroît, comment un africain choisit-il d’être psychanalyste ?

A travers ces questions transparaît en filigrane peut-être l’a priori que la psychanalyse relève de la culture occidentale.

 

Bien entendu, certaines théories ont fait croire que ces peuples du « continent noir » sont des êtres sans âme. Alors, comment vouloir soigner la souffrance de l’âme si je fais partie de ces individus sans âme ? Eh bien, la réponse à cette question ne peut émerger instantanément. Mais quelques éléments rationnels, qui sont aussi sujet à caution, apparaissent — ayant été l’un des premiers étudiants africains en France à avoir eu pour directeur de thèse Monsieur le Professeur Serge Lebovici. Ce grand maître, dans mon regard, a beaucoup influé sur mon orientation vers la formation psychanalytique. Ses réflexions et conseils m’ont permis d’appréhender l’évolution des théories psychanalytiques. Et surtout, l’apport de l’anthropologie psychanalytique de certains grands auteurs m’a aidé à comprendre que tout humain dès sa naissance est pris dans le même processus archaïque psychogénétique.

 

Cela dit, est-ce une simple admiration pour un directeur de thèse ou une identification à un père idéal ? — surtout que mon propre père est analphabète. Mais ce père analphabète, je lui voue aussi mon parcours d’analyste car, dès mon jeune âge en Afrique, je l’entendais dire à mes aînés : « Arrêtez de dire qu’un tel vient d’ici, que l’autre vient de là-bas : l’essentiel c’est d’apprendre à l’écouter pour comprendre ce qui l’anime ».

 

C’est ainsi qu’entre le père d’ailleurs et les pairs d’ici s’est tracée ma trajectoire de psychanalyste africain et mon auto-analyse sans fin.

 

Paris, le 20 septembre