« On n’avait jamais vu un tel consensus ! ». Tels sont les mots par lesquels un fonctionnaire du Ministère de la Santé m’a salué hier dans un couloir. Il voulait bien entendu parler de l’unanimité des experts consultés sur les dangers des chaînes de télévision dédiées aux bébés. Mais ce consensus ne doit pas faire illusion. Les uns et les autres ont pu avoir des raisons bien différentes de condamner la télé pour les bébés. Ceux qui rêvent de voir les écrans disparaître des maisons ont joint leurs voix à ceux qui tentent de responsabiliser les familles et les pédagogues à l’importance d’une éducation aux images et aux dangers d’une télévision « pour enfants » réduite à des dispositifs publicitaires. Bref, d’un côté, ceux du : « Stop aux écrans ! », et de l’autre ceux du : « Pour bien regarder la télé, ne commençons surtout pas trop tôt, en tous cas pas avant trois ans ! ». Mais ne nous y trompons pas. Si ceux qui ont vu dans cette pétition une occasion de dénoncer les méfaits des écrans ont rejoint ceux qui réfléchissent plus globalement sur les atteintes à la dignité humaine, c’est bien de ce second côté que se situe l’enjeu, comme l’a montré la mobilisation massive du CIEM* qui s’emploie à dénoncer les violences médiatiques sous toutes leurs formes et appelle à une éducation aux médias pour tous.
La lutte continue, disions nous dans notre dernier blog. Elle change aussi. Cette pétition a montré que les professionnels ont un poids social considérable à condition de sortir de leur cabinet pour descendre dans cette nouvelle forme d’espace public qu’est l’Internet. Ils alertent, mais n’ont pas à eux seuls le pouvoir de faire bouger : il y faut l’alliance avec les associations de parents et d’usagers. Seule celle ci peut en effet faire contre poids aux groupes de pression économico-médiatiques dont nous oublions facilement le pouvoir aussitôt que nous cessons de nous opposer à eux… de telle façon que nous nous sentons libres pour autant que nous renonçons à faire usage de notre liberté. La lutte continue ? Il serait plus juste de dire : « L’alliance continue », entre professionnels, usagers et parents qui désirent apprendre, ensemble, à voir autrement… et pas seulement les écrans !
* Le « Collectif Inter associatif Enfance et Média », créé en 2001, regroupe les associations nationales familiales d’éducation populaire, de parents d’élèves, de syndicats d’enseignants, et des chercheurs sur les médias et l’enfance.