Résumé des Œuvres complètes de Freud, Tome IV, 1920-1939. Editions Hermann, 2009.

Pour celles et ceux, spécialistes ou simples lecteurs passionnés de psychanalyse, qui ont déjà acquis les trois volumes précédents, on ne manquera pas l’ultime travail de l’équipe dirigée par Laurence Joseph et Céline Masson. Celui-ci résume les écrits du fondateur de la psychanalyse pour sa dernière période, la plus importante probablement en terme de contributions et de remaniements des théories analytiques -l’épaisseur de l’ouvrage en témoigne- et ce, malgré de nombreuses années de « souffrances physiques ».

Marquée par l’affirmation d’une « pulsion de mort » avec la publication d’« Au-delà du principe de plaisir », un texte placé en tête de cette édition afin d’en accentuer la portée, la charnière de 1920, contestée par certains de ses collaborateurs, engage Sigmund Freud dans un cheminement aux nombreuses ramifications : en premier lieu, la modification de la représentation de l’appareil psychique avec « Le moi et le ça » (1923), notion de « ça » empruntée à Nietzsche et à Groddeck et revisitée par le Viennois, suivi du « Clivage du moi dans les processus de défense » (1938). La maturation, ensuite, de la technique analytique avec « Analyse avec fin et analyse sans fin » et « Constructions dans l’analyse » (1937), deux textes précédés de « La question de l’analyse profane » (1926) et des « nouvelles conférences d’introduction » (1933). Enfin, la confirmation des liens enchevêtrés de la psyché avec l’environnement social, explicités dans « Psychologie des foules et analyse du moi » (1921). Comme si les responsables de la Collection « Hermann Psychanalyse » avaient eux-mêmes pris l’exacte mesure de l’extraordinaire densité du corpus freudien à cette époque, cette édition a multiplié l’insertion de correspondances, en particulier celles de Ferenczi et de Lou Andréas Salomé, offrant au lecteur le loisir d’une respiration à la fois bienveillante et éclairante.

L’assise désormais incontestée de la pensée freudienne, qu’illustre la dissémination dans le monde des émules de la psychanalyse, mais aussi la douloureuse expérience de la maladie de l’auteur -il subira de 1923 à sa mort trente-trois opérations pour son cancer de la mâchoire- amènent Freud à rédiger des textes d’essence plus philosophique d’où la perspective de la mort et celle de l’éternelle question du père ne sont jamais très éloignées : il en va ainsi de « L’avenir d’une illusion » (1927) où il rappelle qu’« une civilisation qui laisse insatisfait un grand nombre de ses participants, conduit à la rébellion et ne mérite pas de se maintenir de façon durable ». En témoigne également sa lettre à Einstein « Pourquoi la guerre ? » (1932) qui défend une vision toujours plus « pessimiste » -un pessimisme de moins en moins « joyeux » pour reprendre une expression de Freud- de la condition humaine. « Malaise dans la culture » (1930) qui s’étaye sur le « sentiment océanique » exprimé par l’écrivain Romain Rolland, lui permet de rappeler le passage nécessaire du « principe de plaisir » au « principe de réalité », long et patient travail du moi destiné à se dégager de l’emprise du « primitif » pour finalement « advenir » dans une forme, toujours précaire, de liberté. Enfin, ses réflexions quasi testamentaires contenues dans « L’homme Moïse et la religion monothéiste » (1939), sont écrites successivement en 1935, 1936 et 1938, un échelonnement qui montre la prudence interrogative de Freud sur ce thème dans le contexte de l’époque. Il s’en ouvrira d’ailleurs à Lou Andréas Salomé dans une lettre de janvier 1935 : « Il me suffit de pouvoir croire moi-même à la solution de ce problème. Il m’a poursuivi tout au long de ma vie »./.

Nice, le 5 octobre 2009