Combien de temps dureront les bénéfices qu’un sujet retire d’une psychanalyse? Une fois l’analyse terminée, est-ce à dire que « tous les problèmes » seront résolus, ou, du moins, pourront l’être grâce à un travail mental relativement sommaire? Si, au contraire, surgissent de nouvelles confrontations importantes du sujet, avec lui-même ou avec son entourage, faut-il conclure à l’inefficacité de l’analyse qu’a faite ce sujet?
Il faut bien comprendre que l’inconscient reprend facilement ses droits, et que , l’analyse terminée, cela ne signifie pas que les affects ne peuvent parfois, dans certaines circonstances de la vie, retrouver leur intensité, et je dirais même, la violence qui les caractérise. Les mécanismes de défense, lesquels cloisonnent les réactions autorisées devant la situation concernée, ainsi que les mécanismes d’acting-out qui sont responsables d’une libération inappropriée d’affects, ces deux catégories de mécanismes développés dès l’enfance, et que l’analyse a mis au grand jour, en en permettant le déchiffrage, peuvent réapparaître lors de situations particulièrement stressantes. Devant certaines difficultés du quotidien, ou difficultés plus vitales du sujet, ce dernier peut avoir tendance à réagir comme il le faisait jadis, avant son analyse, c’est-à-dire, littéralement, « se boucher les yeux » et laisser les désirs inconscients lui tracer sa feuille de route. Mais, s’il a vécu une psychanalyse, il a un avantage sur la personne qui se trouve dans une pareille situation mais n’a pas pu profiter des bénéfices d’un tel travail sur sa vie psychique.
En effet, la connaissance qu’il a acquise, au cours de son travail d’analyse, des mécanismes de défense qu’il avait développés dès sa tendre enfance, défenses qui lui apportaient une protection contre des pensées non désirées, — pensées d’angoisse, de honte, de culpabilité, de haine, etc., — établissant ainsi une sorte de stagnation affective, cette connaissance acquise au cours de l’analyse lui permet de déjouer ces « fausses protections » : il en connaît le mécanisme, ainsi que leur effet pervers, ce qui lui permet de faire face à certaines situations de façon plus mature. De même, il a appris à déceler les moments où ses émotions deviennent excessives, à retrouver les scénarios de son enfance qui l’ont conduit à certaines exagérations dans ses conduites sociales : ainsi, un personnage important de son enfance a installé en lui une méfiance qui, dans le décours normal d’une vie d’adulte, est excessive et devient responsable d’ « éclats d’humeur » inappropriés. L’analyse lui permettra de rectifier plus rapidement que chez le sujet non analysé ces excès de comportement.
De plus, le sujet qui a vécu une psychanalyse, a acquis, pour son propre compte, un outil de grande utilité : c’est sa capacité à « associer librement » les idées qui lui viennent spontanément dans la tête. La « libre association d’idées » est l’outil premier et indispensable de la psychanalyse. Une fois la psychanalyse comme telle terminée, le sujet peut continuer à chercher ce fil conducteur, à l’aide de ses associations libres d’idées, ainsi que par une élaboration des informations venues du matériel de ses rêves quotidiens, à mettre de nouveau à jour les points nodaux de sa structure de caractère et de son fonctionnement émotionnel, la « personnalité » se remodelant de toute façon sans cesse durant la vie entière. Il lui sera ainsi plus facile d’en observer l’évolution. Une telle réflexion vitale peut atteindre des profondeurs et mener à des solutions dynamiques aux problèmes de la vie.
Il arrive que le sujet ne se sente plus capable de concevoir une solution qui lui paraisse dynamique et productrice de vie. Dans ce cas, il se peut qu’il entreprenne ce que les psychanalystes appellent « une nouvelle tranche de psychanalyse », c’est-à-dire, une seconde analyse, qui se fera, tout comme la première, selon les règle classiques, telles que définies pour ce type de traitement.
Montréal, le 5 avril 2006