Eric Favereau | Libération | 08-04-2006
Est-ce la fin de la polémique qui dure depuis plus de trois ans autour de ce que l’on a appelé au départ l’amendement Accoyer ?
En dépit du nom de son auteur, il ne s’agit pas du CPE, mais de psychothérapie. Le patron des députés UMP, chargé de déminer la crise du CPE, avait déposé une proposition de loi qui, sous prétexte de faire la chasse aux escrocs de l’âme, avait eu l’étrange idée de vouloir faire passer les psychanalystes sous la coupe de l’Etat, en les obligeant à se faire inscrire sous un registre. Refus, pétitions, puis nouvelle rédaction du projet et vote d’un texte en 2005: «L’usage du titre de psychothérapeute sera réservé aux professionnels inscrits sur un registre national. Cette inscription sera conditionnée au suivi d’une formation pratique et théorique en psychopathologie clinique.» Restait la question délicate des décrets d’application.
Réunion.
Vendredi, pour la première fois, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a réuni la quasi-totalité des associations (psychanalystes, psychiatres, psychothérapeutes, mais aussi psychologues). Et cela s’est plutôt bien passé. «Quand on avait discuté avec la direction de la Santé, tout paraissait bloqué. Indéniablement, le ministre nous a écoutés», a expliqué Roland Gori, président du Séminaire interuniversitaire européen de recherche et d’enseignement de la psychanalyse et de la psychopathologie. Sur des points importants, l’avant-projet de décret que Libération s’est procuré apparaît sous une forme plus consensuelle. Il est rappelé que «l’usage du titre de psychothérapeute nécessite une démarche volontaire des professionnels». Et que «le professionnel doit s’inscrire sur une liste départementale». Le décret précise que les médecins, les psychologues et tous ceux qui sont inscrits «à un annuaire d’association de psychanalystes» peuvent user de ce titre. Une automaticité qui ne pourra que satisfaire le milieu analytique.
Formation.
Quant aux autres, ils devront justifier d’une «formation théorique d’au moins cent cinquante heures». Dans le cahier des charges de la formation, il y a «une connaissance des principales approches utilisées en psychothérapie», sans préciser lesquelles. «Le ministre a fait des concessions, mais je reste inquiet que la formation ne relève pas exclusivement de l’université», s’interroge Roland Gori. Pour Bruno Dal Puy, qui dirige une fédération de psychothérapie, il n’y a que des raisons d’être satisfait : «Les psychothérapeutes et les psychanalystes en exercice ne pouvaient rêver mieux.»
«Tous sont prêts à jouer le jeu»
Xavier Bertrand, ministre de la Santé, s’explique sur l’avant-projet de décret sur la psychothérapie.
Entretien avec Xavier Bertrand, ministre de la Santé par Éric Favereau | Libération | 08-04-2006
La hache de guerre est-elle enfin enterrée entre l’Etat et la planète psy ?
A eux de vous le dire. En tout cas, nous avons travaillé vendredi matin, ensemble, dans le cadre du respect de la loi qui avait été votée. Dans ce projet, nous avons proposé des avancées significatives. Quant à la méthode, j’ai demandé à tous les participants de me faire des propositions sur les questions qui restent en suspens.
Lesquelles ?
Il y a celle de la durée de formation pour les psychothérapeutes. Dans le projet, on parle de cent cinquante heures de formation théorique. Est-ce suffisant ? Nous sommes ouverts. De même, il y a la question autour du statut des associations de psychanalystes. Ces dernières se sont dites prêtes à y réfléchir dans le cadre de la loi de 1901.
Les psychologues se disent inquiets…
Ils le sont. Ils vivent une inquiétude qui dépasse le seul cadre de ce décret. Cela tient à leur place dans le système de santé. Ils ont du mal à la trouver. Cette question avait été évoquée dans le plan de santé mentale, mais nous n’avions pas de réponses. Nous mettons un groupe de travail en place, et je leur ai répété qu’il n’y avait pas de questions taboues.
On ne vous accuse plus de vouloir construire «une psychologie d’Etat»…
Il y a eu ces dernières années de longues polémiques. J’ai le sentiment que personne ne veut rouvrir ces débats passés. Tous sont prêts à jouer le jeu. Et à se rendre vers des points de convergence. C’est tant mieux. On a pris le temps. Et on le prendra pour arriver à la rédaction définitive des décrets. Je suis persuadé qu’il y a une voie de passage.