Catherine Fournier s’entretient avec Jacques-Alain Miller pour 20Minutes.fr (12 janvier 2007)
L’Assemblée nationale a adopté jeudi un amendement rendant obligatoire une formation universitaire pour les psychothérapeutes. Qu’en pensez-vous ?
Je suis surpris par l’acharnement de Bernard Accoyer (UMP) – auteur de l’amendement – sur ce sujet. D’autant que le motif de cet amendement, à savoir l’absence de décret d’application de l’article 52 de la loi du 9 août 2004, est totalement faux : il est aujourd’hui en Conseil d’Etat, après de longues négociations entre les psychothérapeutes, le ministère de l’Education et celui de la Santé… C’est une claque pour Xavier Bertrand, désavoué par une partie de la majorité.
Pourquoi ce désaccord, selon vous, entre le gouvernement et les députés ?
Parce que le décret d’application tel qu’il est défini ne plaît pas à monsieur Accoyer, ni à un petit groupe d’excités de l’UMP. Il prévoit que les psychothérapeutes suivent une formation théorique et pratique dans différents organismes, publics et privés. Or, le nouvel amendement limite à l’université publique le cadre de cette formation. C’est totalement aberrant. Depuis quand l’université n’aurait plus le droit de passer des conventions avec des instituts privés ? Et que fait-il des universités catholiques ?
Qu’en est-il pour les psychothérapeutes déjà en exercice ?
C’est pareil, le deuxième amendement exclut les psychothérapeutes des comités régionaux censés les autoriser à exercer. Seuls les médecins ou les psychologues (diplômés au moins d’une licence en psychologie) peuvent faire partie du comité. On ne peut pas supprimer comme ça, d’un coup de crayon, toute une profession. C’est totalement réactionnaire et illustre bien le désir qu’a toujours eu l’establishment médical de corseter le monde «psy».
Bernard Accoyer s’est pourtant déjà heurté aux psychothérapeutes et aux psychanalystes…
Oui, en 2003, avec un autre amendement. Pourtant il recommence. En prétendant vouloir sauver de nombreuses victimes. Certes, il y a parfois des sectes cachées sous le nom de psychothérapeutes. Mais dans ces cas-là, il faut les attaquer avec le dispositif législatif existant.
Craignez-vous que ces amendements finissent par être appliqués aux psychanalystes ?
Non, car je prends les paris que le gouvernement va réussir à faire passer un amendement de suppression à la lecture devant le Sénat. Outre Xavier Bertrand, cela m’étonnerait que Nicolas Sarkozy soutienne cette mesure. Il est bien trop libéral pour cela.
Jacques-Alain Miller est directeur du département de psychanalyse de Paris VIII.