L’onde de choc du génocide au Rwanda conduit J-C. Klotz « contre le massacre » à des images de cinéma. Ce dont le spectateur actuel, devient de nos jours de plus en plus responsable de ce qu’il en reçoit en son intime. Au point qu’il se retrouve témoin du temps où nous sommes…
« Des images contre un massacre » est le sous titre où surgit pour Klotz, avec plus de force, le vrai de la question radicale :voilà pourquoi des images. Qui soutiennent sans atermoiement l’existence d’une limite, de cet impossible à montrer que sait nous dire l’artiste. L’impossible, le réel, la limite, que chacun voudrait tant nier pour tout savoir enfin de l’horreur, alors que comme tel, il reste une des seules contre violences face aux génocides, pour nous les dire de par cette limite même. Exemple actuel de ce vouloir tout savoir de l’horreur des crimes nazis en en niant l’impossible et la limite : Les Bienveillantes de J.Littell dont le succès de nos jours est quelque peu inquiétant pour la raison ici abordée.
Alors quoi de ce réel, de cette limite qui nous capteraient ? serait-ce là où les criminels veulent nous attirer, dans les jouissances de leurs tueries au point que nous nous retrouverions en être complices voire co-auteurs après-coup sans le savoir? C’est ce devant quoi chacun reste sidéré, silencié face à ce qu’il sait pourtant et qu’il efface en un même mouvement. C’est ce que les génocidaires, eux, savent fort bien , semble-t-il, et sur quoi ils s’appuient pour commettre leurs meurtres, collectivement au vu et au su de chacun. C’est que, point si difficile à accepter une fois les crimes commis, comme le dit si précisément Bernard Kouchner l’un des acteurs dans « Kigali », le savoir acquis sur le terrain au niveau individuel aussi bien que collectif ne fait pas acte, ne permet pas la décision d’agir au moment opportun, à l’exception de quelques uns qui ont vaincu la captation intime inhérente à leur sentiment inconscient de culpabilité face à de telles horreurs. Qui ont su ne pas s’en laisser envahir. Envahissement dont usent les criminels alors qu’eux-mêmes, avant les tueries, ont retranché, aboli, de façon construite et collective toute idée de culpabilité, tout savoir sur l’interdit de tuer pour faire place à des jouissances/meurtres qui les dominent alors et qu’a lieu l’horreur comme but ultime de leurs jouissances. Ce qui nous fascine c’est qu’il existerait donc de notre part cette perception à la fois sue et en même temps retranchée qu’il y a du coté des bourreaux une annulation réussie de toute culpabilité et sa transformation aussitôt en jouissances/meurtres collectifs. C’est sans doute cela qui si souvent nous paralyse tous malgré et du fait même de percevoir une telle annulation. Qui nous laissent après le génocide sans voix et en plein désarroi de n’avoir rien pu faire pour l’empêcher. Certes des faits politiques précis entre ONU et responsables notamment français avec l’ « Opération Turquoise » participent et se surajoutent à une telle fabrication d’ignorance qui dés lors est à juste titre qualifiable d’ignorance voulue. Ce qui n’est pas sans suspendre encore plus et sidérer notre pensée de citoyen …
Filmer, écrire, dire, surtout si c’est de qualité, c’est gagner sur l’horreur produite, la placer au rang d’un savoir possible, telle qu’une transmission a alors lieu en tant que création. La transmission est création, non une simple translation des faits en images. Et si, de la part de l’artiste, du réalisateur, de J-C. Klotz, il y a une part de réel qu’il perçoit avant nous, disons que pour nous c’est un peu comme du hasard. De cela, alors qu’il est témoin en tant que reporter photographe et de cinéma sur le terrain où les crimes se commettent, se sont commis, disons que de ce hasard dans le réel, il en tire une novation, un acte de suspens du regard qui devient alors oeuvre. En laissant la primauté de l’évènement au génocide au Rwanda, sans appropriation aucune.
Voilà que chacun de nous en tant que spectateur se retrouve aussi quelque peu auteur de la façon dont il reçoit ces images, on pourrait dire alors Ses images en tant qu’il est responsable de la façon dont il les perçoit en son for intérieur …Et dont il sera alors témoin maintenant.
Oui après le film de J-C. Klotz, chacun comme je, tu, il, est témoin pour dire aussi ce qu’il s’est produit.
Paris, le 8 janvier 2006.