Œuvres complètes de Freud, Résumé analytique, Tome I (1884-1905) par Céline Masson, Coll. « Psychanalyse », Editions Hermann, 2006, 195 p., 19€. – Tome II (1905-1913), par Laurence Joseph et Céline Masson, Coll. « Psychanalyse », Editions Hermann, 2007, 300 p., 25€.
Lire Sigmund Freud dans le texte n’est pas toujours chose aisée. Y compris pour les psychanalystes qui élaborent, encore aujourd’hui, des approches et des interprétations variées sinon contradictoires du corpus freudien. Et pourtant, qui prétend débattre de la psychanalyse, a fortiori y consacrer une recherche ou la pratiquer, doit forcément en passer par les œuvres fondatrices à même d’éclairer la dimension clinique. Sous la direction de Laurence Joseph et de Céline Masson, les Editions Hermann ont donc pris l’heureuse initiative, à l’intention des professionnels comme à celle des simples curieux de cette science « impossible », de procéder à l’élaboration d’une sorte de « guide de lecture ». Inspiré des travaux du groupe du Professeur Laplanche autour des Œuvres Complètes, ce travail revêt la forme d’un montage chronologique de matériau brut sans intention critique ni glissement explicatif. La présentation intègre non seulement les écrits de Freud mais les accompagne de certaines des correspondances privées qui projettent sur ceux-ci une lumière latérale féconde.
Le Tome I (1884-1905) présente notamment l’intérêt de montrer, au travers des nombreuses lettres à son ami et confident Fliess, la lente et difficile gestation de la technique analytique jusqu’au premier aboutissement d’envergure constitué par la publication du livre sur « l’interprétation des rêves » en 1900 et par l’article sur « la psychopathologie de la vie quotidienne ». On pourra éventuellement s’interroger sur les raisons qui ont poussé les auteurs à développer davantage le second par rapport au premier, en passant peut-être trop rapidement sur le célèbre chapitre VII de la « Traumdeuteug ».
Le lecteur peu au fait de la psychanalyse est progressivement initié, dès le texte de 1890 sur « les traitements psychiques de l’âme », à la « magie » des mots, bons moyens pour provoquer des modifications dans la psyché des patients. Le présent de narration facilite évidemment cette immersion dans l’univers analytique. Une lettre à Fliess du 21 mai 1894 permet par exemple d’exposer « les trois mécanismes de la conception des névroses » qui viennent compléter un texte de janvier de la même année sur un sujet identique. Bien loin d’une simple répétition, ce va-et-vient entre le corpus didactique et les lettres privées ouvre au contraire la possibilité d’une meilleure assimilation de l’esprit des découvertes freudiennes.
Le désagrément éventuel constitué par le côté compact du premier volume a laissé la place, dans le deuxième Tome (1905-1913) à une approche plus aérée, plus agréable et accessible mais sans rien céder sur les exigences pédagogiques du projet initial. Deuxième volet d’autant plus important qu’il correspond à une période d’intenses activités de Freud au cours de laquelle il rédigera notamment les « Cinq psychanalyses ». Parallèlement à l’élaboration du concept de « transfert », la richesse des correspondances – résumées – de cette période avec Ferenczi, Jung et Abraham donne également un aperçu du bouillonnement conceptuel des premiers échanges entre analystes.
On attend non sans impatience, la sortie prévue, au début de cette année, du Tome III (1914-1920) et la confirmation pour 2009, de la parution du dernier volume qui devrait couvrir les ultimes réflexions de Freud.