Un joueur de jeux vidéo peut jouer de bien des façons, mais toutes se ramènent finalement à deux modèles : les interactions sensori motrices ou bien les interactions émotionnelles et narratives.
Dans le premier cas, l’interactivité passe par des sensations et des réponses souvent stéréotypées. Les émotions mises en jeu font une grande place au stress : il s’agit d’émotions primaires et pures comme l’angoisse, la peur, la colère, le dégoût… Les angoisses mises en jeu dans cette façon de jouer sont souvent archaïques (il s’agit d’angoisses de désintégration, de morcellement, d’annihilation…). La préoccupation narrative est peu présente et la violence est surtout narcissique dans la mesure où le but est d’abattre le plus grand nombre possible de créatures interchangeables.
Dans les secondes, au contraire, les sensations jouent un rôle moins important et la réponse motrice est moins impérieuse : le joueur doit réfléchir avant d’agir. Les émotions mises en jeu sont complexes dans la mesure où le jeu encourage l’identification et l’empathie : le joueur est invité à «avoir des sentiments pour», et « des sentiments avec». Les angoisses mises en jeu peuvent être qualifiée d’oedipiennes dans la mesure où elles engagent une rivalité (il s’agit d’abattre un ennemi puissant pour prendre sa place) et une initiation. La préoccupation narrative est centrale.
Pourquoi cette distinction ? Parce qu’elle permet de comprendre qu’en matière de jeu, tout dépend des interactions que chaque joueur choisit de privilégier. Il est en effet possible à un joueur de privilégier une forme d’interaction à un moment et une autre forme à un autre moment. De façon générale, plus les interactions sensori motrices sont privilégiées par le jeu ou le joueur, et plus il y a un risque de dépendance, tandis que plus les interactions émotionnelles et narratives sont privilégiées, et moins il y a risque de dépendance(1) .
C’est pourquoi les parents doivent s’intéresser aux jeux pour inciter leurs enfants à développer la narration et la réflexion dans leur façon de jouer. Ceux qui s’engagent dans cette voie auront une bonne surprise : ils apprendront à la fois à mieux connaître l’univers des jeux vidéo, et leurs propres enfants.
(1) Il s’agit par exemple de jeux comme Shadows of the Colossus, Silent Hill, Fable, Ico, Farenheit, etc.