Si la psychanalyse est une exception par rapport au champ des psychothérapies, ce n’est pas parce qu’elle aurait des performances exceptionnelles mais parce qu’elle n’est pas une psychothérapie.

C’est en tout cas la position lacanienne. Lacan distinguait la psychanalyse pure et la psychanalyse appliquée au champ médical (on dirait plus volontier de nos jours: au champ de la santé mentale).

La psychanalyse appliquée, on conçoit bien que d’aucun considère qu’elle participe du champ de la psychothérapie, même si ce n’était pas la position de Lacan pour qui la psychothérapie relevait du Discours du Maître et de la suggestion.

Mais, en tout cas, la psychanalyse en elle-même, psychanalyse pure selon Lacan, n’est pas une psychothérapie, quels que soient ses effets thérapeutiques. C’est une expérience de discours, une sorte de jeu de la vérité à partir de la souffrance du symptôme, jeu de la vérité qui vise le coeur de l’être, au-delà du médical.

Il s’agit de se confronter à l’impossible de la condition humaine, impossible que masque le fantasme et tous les gadgets de l’époque. J’ai développé cette question dans mon ouvrage La psychanalyse, thérapeutique? (Editions du champ lacanien, Paris 2001).

En même temps, la psychanalyse comme théorie est une tentative de réintroduire la question du sujet dans le champ de la science. A ce titre, tout un champ de recherche est à explorer, en confrontant la psychanalyse aux divers domaines du savoir, de la cybernétique à l’éthologie en passant par les neurosciences du côté des sciences dites dures, mais aussi de la philosophie à l’économie en passant par la sociologie et le politique du côté des sciences dites humaines. Noyer la psychanalyse dans le champ des psychothérapies, c’est la rabattre sur une psychologie dynamique.

C’est ce que fait depuis longtemps l’Université. L’absence de département de psychanalyse dans nos universités et nos grandes écoles participe du même refus de prendre en compte la psychanalyse sans la réduire à la psychothérapie. Je rêve depuis longtemps de départements de psychanalyse pure.

En attendant, laissons travailler les psychanalystes et laissons à leurs écoles le soucis de leur formation. Il faut protéger la psychanalyse.

Liège, le 6 décembre 2006