Pourquoi les psychanalystes n’arrêtent pas de citer Freud ou Lacan ?

Lorsqu’un scientifique relate une expérimentation, il ne cite plus les fondateurs de sa discipline. Lorsqu’un psychanalyste veut rendre compte de l’expérience analytique, il ne manque jamais de se référer à la découverte de Freud et, s’il est “ lacanien ”, à la façon dont Lacan la fonde. D’où la critique du scientifique à l’endroit du psychanalyste : la psychanalyse sera une science le jour où elle oubliera les noms propres de Freud et Lacan.

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Combien de temps durent les bénéfices d’une psychanalyse?

Combien de temps dureront les bénéfices qu’un sujet retire d’une psychanalyse? Une fois l’analyse terminée, est-ce à dire que « tous les problèmes » seront résolus, ou, du moins, pourront l’être grâce à un travail mental relativement sommaire? Si, au contraire, surgissent de nouvelles confrontations importantes du sujet, avec lui-même ou avec son entourage, faut-il conclure à l’inefficacité de l’analyse qu’a faite ce sujet?

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La vie est une maladie en pleine expansion

Paru dans Politis, le  27 octobre 2005
 
En vingt ans, l’éventail des diagnostics psychiatriques est passé d’une trentaine de pathologies répertoriées à quelques centaines de troubles. Car ce sont le plus souvent des troubles qu’on soigne, au mépris de l’histoire individuelle de chaque patient.
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La souffrance sans voix

Paru dans Libération, le 5 octobre 2005
Le débat sur la psychanalyse laisse peu entendre les premiers concernés.
J’ose tenter de prendre la balle au bond, j’ose tenter de faire entendre ma petite voix et celles de ceux qui m’ont fait l’honneur de les représenter.
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Plaidoyer pour la psychanalyse

Paru dans Le Soir, le 8 octobre 2005
 
 
Souvent, pour exister, certains psychologues, psychiatres avertis ou médecins tout court, prennent leur plume et partent à l’assaut de la psychanalyse freudienne, dame aussi vieille qu’indigne.

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“Livre noir de la psychanalyse”, la main dans le sac

Paru dans Le Monde, le 6 octobre 2005
 
Je n’aurais pas pris la plume contre Le Livre noir de la psychanalyse si je n’avais pas une bonne raison de le faire. L’essentiel a en effet été dit : en fait de scoop, il s’agit d’une reprise de travaux historiques en partie vrais et en partie discutables sur la psychanalyse, assortie d’une haine féroce à l’égard de celle-ci et d’une campagne promotionnelle pour les thérapies cognitives et comportementales.

 

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Les rendez-vous ratés de la psychanalyse

Paru dans Témoignage chrétien, le 29 septembre 2005
 
Un Livre noir de la psychanalyse, un rapport de l’Inserm qui préconise une méfiance envers les thérapies analytiques, des journaux qui se demandent s’il faut en finir avec la psychanalyse, des controverses médiatiques : une nouvelle fois, la psychanalyse se retrouve au cœur du débat. Mais il faudrait en préciser l’enjeu. Assiste-t-on à un nouvel épisode du conflit entre méchants positivistes et gentils psychanalystes ? Doit-on s’habituer, depuis que Freud a « apporté la peste aux États-Unis », d’après ses paroles, à voir les anticorps disciplinaires s’activer régulièrement ? Là n’est pas le cœur du problème. Il se trouve au sein même de la psychanalyse, dans son incapacité à se remettre en question depuis une quinzaine d’années, prêtant ainsi le flanc à toutes sortes de critiques. Le danger n’est pas à l’extérieur, mais à l’intérieur.
 

 

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Le marché du mental par Jacques-Alain Miller

Paru dans Libération, le 28 septembre 2005

Autodialogue imaginaire sur la vraie question des thérapies comportementales:

Lui : Vous voilà bien silencieux tout d’un coup, quand la ville bruisse d’un certain Livre noir
Moi : C’est pour ne pas dire ce qui ne serait pas compris, à savoir que ce livre m’enchante.
Lui : Monsieur le paradoxal, nous connaissons vos tours.

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Résumé des Œuvres complètes de Freud, Tome IV | Collectif

Résumé des Œuvres complètes de Freud, Tome IV, 1920-1939. Editions Hermann, 2009.

Pour celles et ceux, spécialistes ou simples lecteurs passionnés de psychanalyse, qui ont déjà acquis les trois volumes précédents, on ne manquera pas l’ultime travail de l’équipe dirigée par Laurence Joseph et Céline Masson. Celui-ci résume les écrits du fondateur de la psychanalyse pour sa dernière période, la plus importante probablement en terme de contributions et de remaniements des théories analytiques -l’épaisseur de l’ouvrage en témoigne- et ce, malgré de nombreuses années de « souffrances physiques ».

Sigmund Freud-Max Eitingon | Correspondance,

Sigmund Freud-Max Eitingon, Correspondance, 1906-1939. Hachette Littératures, 2009.
 
« Connaisseur minutieux de la psychanalyse, thérapeute expérimenté, penseur au jugement sûr ». C’est en ces termes que Sigmund Freud faisait l’éloge, en 1930, de Max Eitingon, pour aussitôt regretter que celui-ci se soit « refusé à enrichir la littérature analytique par ses contributions » cliniques. L’histoire de la psychanalyse a fini par minimiser le rôle de ce proche disciple de Freud, reléguant souvent son œuvre à celle d’un tâcheron chargé des basses besognes administratives. Une injustice que vient heureusement réparer la publication, par les Editions Hachette Littératures, des huit cent vingt et une lettres échangées par les deux hommes entre 1906 et 1939, soit une correspondance aussi volumineuse et comparable à celle entretenue par le père de la psychanalyse avec K. Abraham, Sandor Ferenczi ou Ernest Jones. C’est dire tout l’intérêt d’une lecture attentive de cet ouvrage fort bien construit et documenté qui éclaire autrement les grands moments de l’histoire de la psychanalyse et aide également à la compréhension des réflexions personnelles de son créateur.

Ferenczi après Lacan | Jean-Jacques Gorog,

« Ferenczi après Lacan », Sous la direction de Jean-Jacques Gorog, Coll. « Psychanalyse », Editions Hermann, 2009.
 
La clinique de Sandor Ferenczi, l’un des analysants de Freud, ressemble étonnamment à cet alcool hors d’âge que Talleyrand offrit à la fin d’un célèbre « souper » au ministre de l’intérieur Fouché pour le convaincre de prendre le parti de Louis XVIII : on s’émerveille, on le prend, on le regarde, on le hume, on pose le verre…et on en parle !

Le virtuel dissuade-t-il l’empathie ?

Patricia Greenfield s’inquiète du risque d’une perte d’empathie chez les enfants qui jouent aux jeux vidéo plutôt que de lire des livres. « A la différence d’un jeu où il s’agit de sauver une princesse et où cette performance est récompensée, la lecture d’un livre invite à en savoir plus sur la princesse et à mieux la comprendre »(1) .
Patricia Greenfield a tort et raison. Elle a tort si on prend en compte le fait que les jeunes délaisseraient la lecture au profit des jeux vidéo. En effet, la capacité d’empathie n’a pas commencé à exister lorsque les enfants se sont mis à lire et de grands lecteurs en sont singulièrement démunis, comme l’a notamment montré le degré élevé de culture parmi certains nazis. Mais surtout, l’avènement du numérique ne confronte pas seulement les jeunes à abandonner la lecture des romans pour la pratique des jeux vidéo. Elle les incite aussi à jouer des personnages de l’autre sexe : dans les espaces en réseau, un garçon peut parler et être interpellé sous une identité féminine. C’est une autre façon de développer l’empathie.
Mais Patricia Greenfield a en même temps raison d’être inquiète. La pratique des jeux vidéo en réseau – et aussi celle des nouveaux espaces virtuels du type Facebook – incite en effet à développer des relations sans corps. Or l’empathie est affaire de corps. Elle s’organise à partir des gestes partagés, des regards, des manières de parler… Dans les années 1990, cette notion développée dans le domaine artistique a même reçu une confirmation par les sciences cognitives : la seule observation du comportement d’un autre humain provoque dans le cerveau la stimulation de neurones capables de transformer les données sensorielles en actes moteurs. Les actes sont inhibés, mais les émotions et les sensations correspondantes sont ressenties.
Or dans les espaces virtuels, il n’y a pas de corps, et chacun peut interrompre instantanément sa communication avec son interlocuteur sans assister à son désapointement. La capacité d’empathie, qui est la faculté de se mettre à la place de l’autre et d’éprouver ses émotions, s’en trouve inévitablement affectée. Mais ce ne serait un problème que si la communication via Internet remplaçait totalement la communication réelle. Or une étude vient de montrer que les adolescents vont rencontrer de préférence sur Internet les camarades de leur âge qu’ils connaissent déjà. Lorsque les moments de rencontre réelle et de rencontres virtuelles se succèdent, le risque évoqué par Patricia Greenfield n’existe guère. En revanche, il pourrait bien être réel pour des personnes âgées que l’appauvrissement de la poussée hormonale incite à rester dans le virtuel…
 
(1) Quotes : Facebook et al risk « infantilising » the human mind-Media-guardian..co.uk
• “Unlike the game to rescue the princess, where the goal is to feel rewarded, the aim of reading a book is, after all, to find out more about the princess herself”.

Nouveaux réseaux : le danger

Dans les nouveaux espaces de communication ouverts sur Internet, rien n’est jamais effacé, et tout diffuse très vite, souvent à l’insu des usagers eux-mêmes ! Non seulement il n’y a aucune possibilité aux utilisateurs de retirer des informations qui les concernent, et qu’ils ne veulent plus voir en ligne, mais celles-ci peuvent essaimer très vite.
Certains découvrent ainsi que ce qu’ils inscrivent sur leur « fiche perso » est utilisé par des moteurs de recherche pour leur fournir des publicités ciblées ! Par ailleurs, les informations données à un ami unique peuvent parvenir de proche en proche à des personnes mal intentionnées à l’égard de l’internaute, et qui peuvent en faire un usage hostile. La photographie d’un jeune homme qui a un peu trop bu, mise sur Internet par un camarade de boisson, peut se retrouver trois ans plus tard chez l’employeur de ce garçon…
Bref, on s’aperçoit avec ces nouveaux réseaux que le danger d’Internet n’est pas seulement le contrôle de chacun par un pouvoir centralisé, mais aussi le contrôle de chaque citoyen par des sociétés privées, à but de protection ou de commerce… voire de chacun par tous les autres : surveillance des enfants par leurs parents, des employés par leur patron, des maris ou femmes suspects d’infidélité par leur conjoint, etc.
La richesse d’Internet réside incontestablement dans la liberté proposée à chacun de communiquer ce qu’il veut quand il le veut. Mais chacun a aussi le droit de disparaître ou, plus simplement, de changer d’avis. Il est essentiel que chaque usager des nouveaux réseaux prenne conscience de ces problèmes et réfléchisse bien à ce qu’il désire livrer, ou non, d’informations personnelles. C’est pourquoi chaque ordinateur devrait porter cette inscription : « Attention : tout ce que vous écrivez ici tombe dans le domaine public » !
Enfin, la possibilité pour chacun de contrôler les informations qu’il dépose sur Internet n’est pas seulement un problème de liberté publique, c‘est aussi la condition de la survie du système. En effet, pour que les gens aient envie de se montrer, il faut qu’ils puissent se cacher quand ils en ont envie. C’est ce droit qu’il faut mettre en place. Pourquoi ne pas prévoir que tout espace investi par un Internaute – comme un blog ou l’avatar utilisé dans un jeu vidéo – soit automatiquement effacé après un certain temps de non usage ? Voire que chacun puisse effacer des données qu’il a lui-même entrées s’il le désire ? De plus en plus d’internautes en ressentent le besoin, et bientôt, ce sera la majorité. Face aux logiciels qui menacent subrepticement les libertés, il est essentiel d’en concevoir qui les protègent !

Nouveaux réseaux, nouveaux désirs

Si les nouveaux réseaux permettent de satisfaire des désirs qui ont toujours existé, ils en satisfont aussi de nouveaux.
1. Immédiateté
Internet correspond – tout comme le téléphone mobile – au désir de pouvoir joindre nos interlocuteurs et d’être joint par eux en tous lieux et à tout moment. C’est parfois une vraie forme d’avidité relationnelle ! Beaucoup de nos contemporains manifestent des signes d’intolérance à ne pas pouvoir joindre leur interlocuteur aussi vite qu’ils le voudraient…
Cette avidité produit d’ailleurs des messages de plus en plus brefs. On connaît les nombreuses abréviations des SMS. Le nouveau réseau Twitter qui impose que le message fasse moins de cent quarante et un caractères, renforce encore cette tendance à l’abréviation.
2. Universalité
Avec Internet tout est adressé à tous, autrement dit à personne précisément. Chaque message ressemble à une multitude de petites bouteilles contenant toutes le même message, jetées à la mer dans l’attente qu’un ou plusieurs interlocuteurs s’en emparent. Mais ce désir d’élargir ses relations à la planète entière s’accompagne souvent d’un paradoxe : après être allé explorer le plus lointain et le plus différent de soi, l’internaute se retrouve souvent à se rapprocher finalement de gens qui partagent les mêmes goûts et les mêmes préoccupations que lui !
3. Intéresser plutôt que communiquer
La plupart des échanges engagés dans les espaces virtuels répondent à la règle qui est celle de Google. Cette règle consiste à faire apparaître en premier les espaces ou les productions qui recueillent le plus grand nombre de consultations. Que celles-ci se soient accompagnées de plaisir, de dégoût ou de colère n’a aucune importance. Seul compte le nombre de visites. Appliquée aux nouveaux réseaux sociaux, la règle de Google consiste à vouloir se faire remarquer à tout prix. Le nombre d’interlocuteurs attirés importe bien plus que le jugement de chacun d’entre eux.
4. Identités simultanées
L’usage des pseudonymes sur Internet facilite incontestablement la possibilité d’avoir plusieurs identités – voire plusieurs vies en parallèle. D’une certaine façon, cela a toujours existé. Un homme pouvait par exemple avoir un rôle de leader dans son club de sport, être un employé soumis à son travail, un humoriste avec ses amis, et un mari passif dans sa vie de couple. Mais ces diverses identités étaient successives et cantonnées chacune à un espace différent. Ce qui est nouveau, c’est que toutes ces existences peuvent apparaître en même temps sur l’espace d’Internet, et fonctionner de manière simultanée.

Nouveaux réseaux : des désirs vieux comme le monde

Après l’explosion des blogs au début des années 2000, nous assistons aujourd’hui à celle des nouveaux réseaux sociaux : sites de rencontres, de loisir, de recherche d’emploi, etc. Cette situation est évidemment radicalement nouvelle. Et pourtant, elle doit  l’essentiel de son succès à quatre désirs aussi vieux que le monde…
1. Valoriser ses expériences quotidiennes
Raconter sur Internet les événements petits et grands de sa vie répond au vieux besoin humain de valoriser ses expériences et de leur donner du sens. C’est ce qui nous pousse chacun à nous raconter, à des proches, à des amis, dans des livres ou à la télévision. Cela donne plus de valeur à notre vie.
2. Se cacher et se montrer à volonté
Se raconter est une façon de se montrer. Mais pouvoir se cacher quand on en a envie est tout aussi important. L’anonymat sur Internet et la possibilité de disparaître à tout moment satisfait cette attente. En fait, le désir de se cacher et celui de se montrer sont moins opposés que complémentaires. Ils contribuent chacun à la construction de l’estime de soi, le premier en valorisant l’intimité, et le second l’« extimité » : j’ai en effet désigné sous ce mot(1)  le désir de dévoiler certains aspects de soi afin qu’ils prennent une valeur plus grande par le regard des autres.
3. Etre certain qu’on ne m’oublie pas
Avoir beaucoup d’amis sur les réseaux assure l’internaute qu’on ne l’oublie pas. Le désir qu’un grand nombre de gens pensent à moi de temps en temps remplace ainsi celui qu’une seule personne pense à moi tout le temps. Ce désir de n’être jamais oublié inclut aussi parfois une préoccupation altruiste. Sur Internet, de nouveaux espaces proposent ainsi des échanges de recettes de cuisine, et sur Second life, il ne manque pas d’usagers prêts à expliquer aux nouveaux venus le fonctionnement de cette grande communauté virtuelle.
3. Maîtriser la distance relationnelle
Trop près, nous nous angoissons de perdre notre liberté, mais séparés, nous craignons l’abandon. Les nouveaux réseaux permettent de moduler à volonté cette distance : on peut s’y rapprocher beaucoup, intellectuellement et émotionnellement, tout en restant physiquement inatteignable, voire totalement protégé par l’anonymat.
Bref, rien de bien nouveau sous le soleil… de ce point de vue tout au moins, car ces nouveaux réseaux sociaux changent aussi beaucoup de choses. La suite bientôt.
 
 Tisseron, S., (2001), L’intimité surexposée, Paris, Ramsay (rééd. Hachette Littératures, 2002). Ce désir est parfois confondu avec l’exhibitionnisme, mais il en est différent : dans l’exhibitionnisme, il s’agit de ne montrer que des parties de soi dont la valeur est déjà assurée. En revanche, le désir d’extimité est inséparable d’une prise de risque : la valeur de ce qui est montré n’est jamais connue et c’est par le retour des autres qu’il est appelé à en prendre.

Lettre ouverte concernant l’autisme

Lettre ouverte aux parents d’enfants d’adolescents et d’adultes autistes, a leurs professionnels educateurs pedagogues et soignants

Depuis plusieurs années, quelques rares parents d’enfants autistes règnent dans le monde des associations de parents d’enfants autistes par la terreur, les dénonciations, les calomnies ad hominem et la manipulation médiatique. Jusqu’à présent, nous étions un certain nombre de professionnels de la pédopsychiatrie à y voir le signe d’une souffrance telle qu’en vivent tous les parents dont un enfant est touché par une maladie, un handicap ou une difficulté majeure qui met en jeu son présent et son avenir. Entre-temps, les pratiques et les prises en charge éducatives, pédagogiques et thérapeutiques ont progressé quelquefois de manière notable, notamment en ce qui concerne les neurosciences, mais aussi les techniques éducatives et les psychothérapies intensives.

Lettre ouverte concernant l’autisme

Lettre ouverte aux parents d’enfants d’adolescents et d’adultes autistes, à leurs professionnels éducateurs pédagogues et soignants
Depuis plusieurs années, quelques rares parents d’enfants autistes règnent dans le monde des associations de parents d’enfants autistes par la terreur, les dénonciations, les calomnies ad hominem et la manipulation médiatique. Jusqu’à présent, nous étions un certain nombre de professionnels de la pédopsychiatrie à y voir le signe d’une souffrance telle qu’en vivent tous les parents dont un enfant est touché par une maladie, un handicap ou une difficulté majeure qui met en jeu son présent et son avenir. Entre-temps, les pratiques et les prises en charge éducatives, pédagogiques et thérapeutiques ont progressé quelquefois de manière notable, notamment en ce qui concerne les neurosciences, mais aussi les techniques éducatives et les psychothérapies intensives.

Avantages et inconvénients de considérer le jeu vidéo comme une addiction

Parmi les divers points de vue qui invitent à considérer le jeu vidéo excessif comme une addiction, l’un d’entre eux mérite qu’on s’y arrête. On peut le résumer ainsi : l’approche des différentes pathologies addictives et leur prise en charge serait actuellement beaucoup trop marquée par l’importance donnée aux substances toxiques, et les motivations conscientes et inconscientes du sujet « addict » seraient sous-estimées. En faisant admettre « l’addiction aux jeux vidéos » comme une forme d’addiction à part entière, le but serait de sortir d’une logique de l’addiction liée aux toxiques et de mettre en avant la part psychique des comportements addictifs, qu’il mettent en jeu ou non une substance. Du coup, cela permettrait de donner un nouvel essor à la prise en charge psychothérapique des sujets « addicts » pour lesquels une tendance importante de l’addictologie ne voit aujourd’hui de solution que dans des drogues de substitution.
En revanche, pour les adversaires du jeu vidéo considéré comme addiction, il ne s’agit pas de nier les parallèles possibles avec diverses formes de toxicomanie, notamment en termes de difficultés à contrôler les impulsions. Mais il s’agit de faire valoir un « en plus ». La question de savoir si la pratique excessive des jeux vidéo serait une forme d’addiction ne concerne en effet pas seulement le monde de l’addictologie et ses enjeux internes, qu’ils soient de pouvoir ou d’idéologie. La question du jeu vidéo excessif engage aussi au premier chef la représentation que nous nous faisons de la crise de l’adolescence, des responsabilités parentales et éducatives, et finalement de la place du soin médical dans l’ensemble du dispositif de prévention. Bref, si les addictologues soucieux de psychothérapie ont tout à gagner à faire reconnaître le jeu vidéo excessif comme addiction, cette reconnaissance ne manquerait pas de faire surgir un autre problème. Ce qui s’y trouverait en effet occulté, c’est la possibilité pour les jeux vidéo de faire sens, et leur usage dans ce but par nombre de joueurs, y compris excessifs. Et comme c’est aujourd’hui le point crucial de tension entre joueurs (le plus souvent jeunes) et partisans convaincus du caractère « addictif » des jeux (le plus souvent vieux), le fossé de l’incompréhension s’en trouverait encore aggravé. Le bénéfice – au demeurant très hypothétique – qu’en tireraient les addictologues justifie t il de courir ce risque ? Le jour où les jeux vidéo seront reconnus comme une pratique générale et où tout risque de stigmatisation de leurs adeptes sera écarté, parler « d’addiction aux jeux vidéo » sera sans doute reçu comme de parler aujourd’hui « d’addiction au sexe » : tout le monde sait bien que cela ne concerne que très peu d’individus adultes et que tous les jeunes qui y touchent ne sont pas menacé ! Le problème est que c’est le contraire qu’on entend dire pour les jeux vidéo, c’est pourquoi la prudence doit rester de mise !