Didier Arnaud | Liberation| 17-09-2005

A Paris, sur les Champs-Elysées, un cabinet réunit une trentaine de professionnels pour aborder d’une «nouvelle façon» la psychiatrie et «être au plus près de la demande des gens»

Un «mini-market» pour guérir les maux de l’âme. Le modèle est nouveau. Mais totalement dans l’air du temps. Il affiche son succès. Le cabinet est à deux pas des Champs-Elysées, à Paris. Il y a une entrée dérobée, pour les «people» qui veulent rester discrets. Moquette, statuettes, bibliothèque. Un couloir dessert des bureaux richement décorés et calfeutrés. Chaque praticien y alterne, au fil de la semaine. Dans la salle d’attente, des livres «à consulter». Écrits par ceux qui oeuvrent ici. De Comment bien choisir son psy à J’arrête de fumer sans grossir en passant par Petit dyslexique deviendra grand.

«Utilise Sylvie». Au téléphone, la standardiste annonce la couleur : la consultation, c’est 80 euros. Pas remboursée. «On essaie de ne pas angoisser les gens sur les tarifs», explique une secrétaire. Pluralis, «centre de consultation pluridisciplinaire», colle à son temps. Il réunit une trentaine de professionnels ­ psychothérapeutes, psychanalystes, psychologues ­ au même endroit pour aborder d’une «nouvelle façon» la psychiatrie, explique Sylvie Angel, la fondatrice des lieux et psychiatre de formation, débordée. Son souci : l’efficacité. Sylvie Angel dit qu’elle récupère des patients sur qui tout a échoué. Pour elle, le modèle analytique ne répond pas à tout. Exemple. Il y a vingt ans, «on disait aux mères d’enfants autistes : madame, faites une psychanalyse ! Elles voulaient juste être aidées dans leur relation avec l’enfant». Pour y répondre, il faut donc «trouver la bonne personne au bon moment», mais aussi, «être au plus près de la demande des gens». La demande a le spectre large. Dans la brochure, c’est écrit : «L’équipe intervient (…) sur les échecs scolaires ou professionnels, problèmes d’orientation, difficultés éducatives, problèmes sexuels, douleurs chroniques, dépendances, crises conjugales.»

 

Voici Géraldine, grande et belle femme blonde, la quarantaine. Elle marche avec une canne. Cliente choisie par Sylvie Angel pour vanter les lieux. Géraldine s’est «cassée» physiquement, sa vie professionnelle était «au bout d’une logique». Depuis, elle «utilise Sylvie» comme «psy référent» une fois par semaine. Elle a aussi essayé l’hypnose pour se «décaler de ses propres émotions». Son mari est venu pour l’alcool. On lui a indiqué quelqu’un. Pour l’instant, il ne boit plus. Pour le tabac, c’est en cours. Après, Géraldine a fait entrer son fils. «Il a besoin de se comprendre», dit-elle. Pour elle, il faut «appréhender les différents aspects de la famille». Le lieu créerait-il ses propres besoins ? «Ici, ce n’est pas "je vais chez le coiffeur" ou "on va me refaire les seins", s’énerve Géraldine. Ce besoin n’est rien d’autre qu’une souffrance.»

 

Pour Anna, Pluralis «décloisonne» les genres. Il permet de prendre en compte une «problématique globale» qui soulage à différents moments de la vie. Anna souffrait de phobies de l’avion et du métro. Sa thérapie lui a procuré du «confort». Anna a vu un psychologue pour sa fille qui faisait une crise d’adolescence «assez sérieuse». Quelques séances pour «comprendre sa rébellion». Son frère a pris l’adresse aussi.

 

Consultation «EPO». Pour ceux qui ne savent pas ce dont ils souffrent vraiment, Sylvie Angel a inventé un concept. La consultation «EPO». Une «évaluation psychothérapeutique avec orientation». Cette confrontation (150 euros) permet «d’affiner le projet de psychothérapie». Anne-Laure, jeune psychologue, vient de faire passer une EPO à un patient qui «transpirait beaucoup», «pas très coopérant», «méfiant», à la «verbalisation pas très brillante», contradictoire avec son niveau d’études. La psychologue a décelé chez lui une personne très dépressive, une psychologie obsessionnelle, à qui il faut décrire «chaque modèle de thérapie». Il ne cesse de demander si les gens qui pratiquent à Pluralis sont «qualifiés». Pour lui, Sylvie Angel conseillera la poursuite d’un entretien avec un psychiatre, à cause de sa fragilité. Sur la table de la salle d’attente, l’ouvrage d’un des praticiens officiant à Pluralis s’appelle A quel psy se vouer ?