Cinq leçons sur la psychanalyse Sigmund Freud, (trad Serge Jankélévitch), Petite bibliothèque Payot 208 pages
En 1909, Freud est invité avec Jung et quelques autres à l’université de Worcester (près de Boston) pour introduire la science naissante qu’est la psychanalyse aux US. Freud improvise cinq conférences, qui ont été publiées en Français sous le nom « Cinq leçons sur la psychanalyse » et qui constitue la première partie de ce livre. Freud y esquisse les grandes lignes de la psychanalyse. La deuxième partie du livre contient un petit historique, par Freud lui-même, de la naissance du mouvement psychanalytique.
Au départ (1880) il y avait le docteur Breuer et sa patiente Anna O., une hystérique (autant dire une cause perdue car à l’époque la psychanalyse n’existait pas). C’est cette Anna O. qui inventa le terme « Talking cure » : elle s’est rendue compte qu’en parlant de ses symptômes ceux-ci disparaissaient.
Breuer est le précurseur de la psychanalyse, mais c’est Freud l’inventeur. On peut dire que c’est quand Freud remplace l’hypnose par le mécanisme des associations libres que la psychanalyse est née.
En cinq courts chapitres Freud passe en revue les grandes lignes de la psychanalyse. Avant tout le mécanisme du refoulement qui est la base de son invention : lorsque le moi est confronté à des désirs qu’il ne peut pas accepter, ces désir sont refoulés au plus profond de notre inconscient mais parfois ils continuent à s’exprimer à travers des symptômes qui sont les substituts (des ersatz) de ces affects refoulés. Le "moi" établit des barrières contre ces contenus refoulés, les résistances. Par le mécanisme des associations libres et l’interprétation des rêves Freud libère ses patients de ces affects refoulés, ce qui nécessite souvent de remonter à la première enfance du patient.
En outre Freud s’explique sur la primauté de la sexualité (au sens large) comme cause de toutes les névroses et l’importance de la sexualité infantile (ceci même chez les personnes normales ou la pulsion sexuelle est sublimée pour donner naissance à l’art et la religion). La névrose joue chez les gens malade un rôle de refuge : le patient se réfugie dans la névrose un peu comme les gens inapte à la vie se cloîtraient dans les couvents à l’époque.
La deuxième partie du livre contient un historique du mouvement psychanalytique. On découvre le Freud isolé du début, dont les gens se détournent dans la rue, ignoré et conspué par ses collègues les premières années. Ensuite l’école de Zurich, Jung et Bleuler en tête, apporte un soutient inattendu à Freud et sa théorie se répand dans les milieux littéraires et scientifiques, dans toute l’Europe et aux état unis.
Freud raconte la naissance de l’association psychanalytique internationale, à la tête de laquelle il nomme Jung. Les congrès se suivent, tout le monde s’intéresse à la psychanalyse, c’est l’essor de sa science.
Ensuite c’est la rupture avec Adler et Jung, les deux dissidents les plus célèbres de la psychanalyse. Freud refuse le nom de psychanalyse à la théorie d’Adler (psychologie individuelle). Quant à Jung sa critique est à la mesure des énormes espoirs que Freud avait placé en lui (il le voyait comme son successeur). En gros : la théorie de Jung est une nébuleuse qu’on ne peut prendre par aucun coté sans se faire accuser de ne pas l’avoir compris, un magma emprunt de mysticisme qui n’a plus rien à voir avec la psychanalyse. On le sait Jung quant à lui avait reproché à Freud une position qu’il qualifie de dogmatique sur la primauté de la sexualité.
En résumé : un livre idéal pour s’initier à la psychanalyse avec le plaisir de lire Freud dans le texte. Etant entendu cependant qu’on en reste aux notions de base. La deuxième partie, amusante et instructive, a le mérite de nous donner quelques repères historiques sur ce qui reste une des plus grandes aventures intellectuelles du siècle passé et de nous éclairer sur la personnalité de ce grand homme qu’était Freud, « l’inventeur de l’inconscient ».
par Francis Bismuth