Mais qu’est-ce qui fait courir tant de nos contemporains voir Les Ch’tis ? L’humour bien sûr, le plaisir manifeste des acteurs qui semblent s’être bien amusés (comme nous le rappelle d’ailleurs le générique de fin), et aussi la mise en scène d’un fantasme bien répandu en France, surtout dans le Sud : « Le Nord, c’est affreux ! N’y allez jamais ! »
 
Mais une autre explication s’impose. Sous prétexte de difficultés de communication entre Français du Sud et du Nord, ce film s’impose comme une parabole sur les problèmes de communication entre parents et enfants. De quoi s’agit-il en effet ? Le héros du film est au début un adulte en proie à des conflits professionnels et conjugaux. Muté dans le Nord, il devient le directeur d’une agence dans laquelle les employés se révèlent très particuliers. Deux sont des adultes un peu massifs dont l’apparence et les manières évoquent celles de grands enfants, tandis que les deux autres sont sur le versant de l’adolescence et des problèmes qui l’accompagnent : comment quitter sa maman quand on est amoureux, et comment convaincre le garçon qu’on aime qu’il est temps de se décider ?
 
C’est donc entre ce père déclaré et ces quatre personnages en situation enfantine que les quiproquos se nouent, dans un monde sans sexualité ni contraintes sociales d’aucune sorte, jusqu’à l’heureux dénouement : le moment de la difficile, mais indispensable séparation. Il est impossible de ne pas trouver ici un écho des difficultés de communication entre adultes et enfants, réduites, il est vrai, aux incompréhensions de langage de la petite enfance. Je me souviens avoir passé une bonne demi heure, quand mon fils était âgé de quatre ans, à essayer de comprendre que derrière le « Bolonais » dont il me parlait, il n’y avait ni Polonais, ni sauce bolognaise, mais un « bonhomme de neige » ! Quant aux spectateurs qui n’ont pas d’enfant, leur plaisir n’est pas moins grand car ils ont probablement eu dans leur enfance bien du mal à se faire comprendre de leurs propres parents !
 
Mais ce film ne nous raconte pas seulement la réduction progressive des difficultés de communication entre générations, il nous indique aussi le chemin à suivre : renouer avec l’esprit de l’enfance, au besoin en s’aidant de « geneviève », c’est-à-dire d’alcool de genièvre ! Rire sans raison, faire joyeusement pipi dans l’eau, conduire son vélo « comme un fou »… sont autant d’étapes par lesquelles le héros raide du début renoue avec les plaisirs réputés être ceux de l’enfance. Jusqu’à jouer sur le carillon du beffroi de la ville les premières notes de la lettre à Elise, mélodie souvent retrouvée dans les boites à musique des bébés…
 
Finalement, au moment où Aldo Naouri exhorte les parents à faire preuve de plus d’autorité, Dany Boon les invite au contraire à reprendre le chemin de l’enfance pour mieux communiquer avec leur progéniture. Mais c’est de façon masquée. Ce message là est il devenu si inaudible qu’il faille qu’il se cache derrière une parabole ?