Vincent Rocour | La Libre | 15-09-2005

 

Alors qu’un livre sur la psychanalyse suscite la polémique, Rudy Demotte s’apprête à sortir la santé mentale de l’ombre. Il va ainsi reconnaître la psychothérapie. Et réglementer sa pratique «pour garantir la qualité».

Pure coïncidence. Alors que la parution de l’ouvrage collectif «Le Livre noir de la psychanalyse» suscite une vive polémique, le cabinet du ministre de la Santé publique, Rudy Demotte (PS), met la dernière main à un projet de loi visant à réglementer l’exercice des professions de santé mentale. Le texte, qui a été rédigé avec la collaboration du député Yvan Mayeur (PS) et de la sénatrice Annemie Van de Casteele (VLD) a fait l’objet de nombreuses consultations. Il pourrait être soumis à l’ensemble du gouvernement au cours du mois d’octobre.

 

L’objectif est double. Il s’agit d’abord de sortir la santé mentale de l’ombre dans laquelle elle a été confinée. Jusqu’à présent, en effet, les professionnels de ce secteur particulier de la santé -secteur en pleine croissance- ne sont pas clairement reconnus comme des praticiens de l’art de guérir. Pour les psychiatres et les psychologues, cela n’a jamais posé trop de problème: leur diplôme -de médecine pour les uns, de psychologue pour les autres- tenait lieu de reconnaissance. En revanche, pour les psychothérapeutes (psychanalystes, comportementalistes, etc.), le flou est de mise: pas de diplôme reconnu, pas de titre protégé, grande diversité des courants. La psychothérapie, il est vrai, ne se laisse pas enfermer dans des catégories rigides et a suscité -et peut susciter encore- des réticences auprès des tenants de la médecine classique. Elle a pourtant pris une place importante dans la société.

 

Le deuxième objectif poursuivi par Rudy Demotte, et ceci est la conséquence de cela, est de réglementer l’exercice de la santé mentale. Comme il n’y a pas de diplôme reconnu de psychothérapeute, il n’y a pas non plus de règles d’accès. Tout le monde -n’importe qui, diront certains- peut se prétendre psychothérapeute.

 

«Il faut séparer le bon grain de l’ivraie, en écartant les charlatans, argumente Rudy Demotte, pour assurer aux citoyens une qualité de soins qui ne peut être garantie aujourd’hui.»

 

Accès réglementé

 

Concrètement, trois catégories de professions de la santé mentale seront reconnues pour la pratique autonome: les professions médicales (psychiatres, neuropsychiatres ou pédopsychiatres), les professions de psychologie clinique (psychologues cliniques ou sexologues) et les professions de psychothérapie (psychanalystes, comportementalistes, etc.).

 

La reconnaissance des praticiens appartenant aux deux premières catégories va de soi: leur diplôme suffit. C’est pour être reconnu psychothérapeute que des critères sont établis. Le praticien devra ainsi être titulaire d’un diplôme universitaire ou d’un diplôme donnant lieu à une reconnaissance comme assistant de santé mentale (logopèdes, assistants sociaux, etc.). Il devra, en outre, avoir suivi une formation organisée par une association reconnue et avoir été jugé apte à l’exercice de la psychothérapie par une organisation professionnelle – «laquelle s’assure de l’accomplissement d’une psychothérapie personnelle à visée didactique».

 

Les personnes qui ne répondent pas à ces conditions ne pourraient ni exercer une profession de la santé mentale ni faire usage d’un titre quelconque. Le texte précise toutefois que les autres professionnels de l’art de guérir -un médecin généraliste, par exemple- ne serait pas exclu du champ de la santé mentale: ils pourront continuer à prescrire des antidépresseurs.

 

Un «Conseil supérieur des pratiques relatives à la santé mentale» serait, par ailleurs, institué. Il aurait pour mission d’éclairer le ministre dans l’élaboration de sa politique, de rédiger des règles générales de déontologie et de gérer les demandes ou les retraits d’agrément.