Pierre Friedman s’entretient avec William Bourton pour Le Soir (27-10-2005)

A Bruxelles comme à Paris, des activistes anti-4 X 4 dégonflent les pneus de véhicules tout-terrain afin, disent-ils, de protester contre leur polluante et dangereuse présence en ville. Que vous inspire comme réflexion ce genre de coups de mains ?
Que l’écologie est une espèce de fourre-tout, qui justifie tout, y compris les défoulements que vous évoquez. Il est clair que diminuer la pollution dans les villes serait une bonne chose. Mais la manière choisie est ici est tout à fait grotesque.
 

Pour vous, il ne s’agit donc pas d’un « contre-pouvoir » ?

Aucunement. Par définition,, un contre-pouvoir a quelque chose à proposer… Ici, on assiste à une sorte de pseudorévolution d’enfants gâtés qui rappelle assez Mai 68. On est plus dans le domaine de l’utopie et du folklore que dans le domaine sérieux.
« Les pouvoirs publics ne font pas leur boulot (n’interdisent pas les 4 X 4 en ville), nous passons à l’action »…

 

Est-ce qu’il n’y a tout de même pas un côté autodéfense dans le fait de s’en prendre à ces véhicules ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’autodéfense : il ne faut tout de même pas exagérer l’agression. Je le redis, à mon avis, on est dans le dérisoire ; il s’agit de trouver un prétexte pour se défouler. Évidemment, quand un personnage aussi médiatique que José Bové proclame urbi et orbi qu’à partir du moment où la cause est légitime, la violence est légitime, le ver est dans le fruit. C’est le genre de choses dont s’emparent tous ceux qui ont envie de se défouler. A ce titre, les propos de M. Bové sont très graves !

 

Les « dégonfleurs » ne provoquent pas nécessairement la réprobation – chez ceux qui ne roulent pas en 4 X 4, ,cela s’entend. Pourquoi ? À cause de leur côté Zorro : le justicier anonyme qui ridiculise les parvenus ?…
Ce que vous dites là me semble très exact. Je connais mal la mentalité belge, mais cela correspond en tout cas bien à la mentalité française. Jean Yonne expliquait que quand il circulait avec une belle voiture à New York, des gens s’agglutinaient autour en se disant « Quand est-ce que je pourrai en avoir une ? », tandis qu’à Paris, on lui en voulait d’avoir une telle auto et on la lui vandalisait…

 

Peut-on comparer ces « dégonflements pneumatiques » aux « attentats pâtissiers » de l’entarteur Noël Godin ?
Je ne ressens pas cela comme ça. Dans les entartages de Godin, il y a un désir de démythification, un désir de ridiculiser. C’est plutôt un appel à plus de simplicité. Tandis que chez les anti-4 x 4, je distingue tout de même de la méchanceté.

 

Pierre Friedman est Docteur en psychologie ; psychanalyste français. Auteur (entre autres) de « Du pouvoir et des hommes» (éditions Michalon, 2002).