C’est une banalité de dire que la télévision donne à la plupart des sujets qu’elle traite une tournure émotionnelle. Mais c’est toujours intéressant de voir de quelle façon et avec quelles conséquences.
Ainsi, le documentaire Elle s’appelle Sabine, diffusé sur FR3 la semaine dernière, avait tout pour intéresser. Réalisé par Sandrine Bonnaire sur sa sœur handicapée mentale, il associait le problème très actuel de l’autisme, le désarroi des proches et la question de la pertinence des structures de soin. Avant même la diffusion du documentaire, la presse avait reformulé les choses : une jeune fille décérébrée par les psys, une sœur people, le tout sur fond d’angoisse ancestrale – le médecin rend-il fou ceux qu’il prétend soigner ?
Pourtant, le film est assez nuancé : il y est dit que l’état de Sabine s’aggrave après la mort de son frère, et que c’est la famille entière, épuisée, qui demande l’hospitalisation. Malheureusement, Mireille Dumas choisit de rediffuser juste avant le débat le moment le plus bouleversant du film: la Sabine d’aujourd’hui, mal dans son corps et qui peine à s’exprimer, en train de regarder les images de la Sabine d’hier, belle jeune fille en voyage à New York avec sa sœur. Effet assuré : comment ne pas être bouleversé, et comment résister à l’idée que ces cinq années d’hospitalisation ont été cinq années de décervelage ? Du coup, les vraies questions du débat deviennent invisibles : comment prendre en charge ces souffrances en dehors de la famille dès leur apparition ? Et avec quelles équipes gérer l’hospitalisation de ces malades qui ont un psychisme arrêté à l’enfance dans un corps d’adulte ? Faut il des services pour adultes – à cause de leur âge réel – ou des services pour enfants dans lesquels les équipes sont mieux formées à ces pathologies et aux symptômes par lesquels elles s’expriment ?
Les média n’aiment pas laisser une question en suspend. « Des réponses, toujours des réponses, rien que des réponses » semble leur devise. C’est pourquoi ils utilisent autant le levier émotionnel. Parce que les émotions nous incitent à penser dans un seul sens. Pas forcément faux, mais dans un seul sens. Du coup, elles nous privent de notre ambivalence et du travail intérieur que nous sommes obligés d’accomplir pour la résoudre. Bien sûr, même sans télévision, nous sommes tentés de prendre ce chemin. Mais elle savonne sacrément la pente !

C’est une banalité de dire que la télévision donne à la plupart des sujets qu’elle traite une tournure émotionnelle. Mais c’est toujours intéressant de voir de quelle façon et avec quelles conséquences.
Ainsi, le documentaire Elle s’appelle Sabine, diffusé sur FR3 la semaine dernière, avait tout pour intéresser. Réalisé par Sandrine Bonnaire sur sa sœur handicapée mentale, il associait le problème très actuel de l’autisme, le désarroi des proches et la question de la pertinence des structures de soin. Avant même la diffusion du documentaire, la presse avait reformulé les choses : une jeune fille décérébrée par les psys, une sœur people, le tout sur fond d’angoisse ancestrale – le médecin rend-il fou ceux qu’il prétend soigner ?
Pourtant, le film est assez nuancé : il y est dit que l’état de Sabine s’aggrave après la mort de son frère, et que c’est la famille entière, épuisée, qui demande l’hospitalisation. Malheureusement, Mireille Dumas choisit de rediffuser juste avant le débat le moment le plus bouleversant du film: la Sabine d’aujourd’hui, mal dans son corps et qui peine à s’exprimer, en train de regarder les images de la Sabine d’hier, belle jeune fille en voyage à New York avec sa sœur. Effet assuré : comment ne pas être bouleversé, et comment résister à l’idée que ces cinq années d’hospitalisation ont été cinq années de décervelage ? Du coup, les vraies questions du débat deviennent invisibles : comment prendre en charge ces souffrances en dehors de la famille dès leur apparition ? Et avec quelles équipes gérer l’hospitalisation de ces malades qui ont un psychisme arrêté à l’enfance dans un corps d’adulte ? Faut il des services pour adultes – à cause de leur âge réel – ou des services pour enfants dans lesquels les équipes sont mieux formées à ces pathologies et aux symptômes par lesquels elles s’expriment ?
Les média n’aiment pas laisser une question en suspend. « Des réponses, toujours des réponses, rien que des réponses » semble leur devise. C’est pourquoi ils utilisent autant le levier émotionnel. Parce que les émotions nous incitent à penser dans un seul sens. Pas forcément faux, mais dans un seul sens. Du coup, elles nous privent de notre ambivalence et du travail intérieur que nous sommes obligés d’accomplir pour la résoudre. Bien sûr, même sans télévision, nous sommes tentés de prendre ce chemin. Mais elle savonne sacrément la pente !