Lorsque Haddock voit surgir Tintin par le hublot de sa cabine dans Le Crabe aux pinces d’or, il n’est pas seulement alcoolique. Il est aussi dépressif et habité par un sentiment catastrophique de lui-même et de sa valeur.
Les joueurs excessifs partagent souvent ces caractères. Il n’est pas rare qu’ils souffrent d’un état dépressif associé à un défaut d’estime d’eux mêmes, et nombre d’entre eux ont un tonus psychique de base défaillant qu’ils cherchent à compenser dans des pratiques extrêmes. On imagine facilement le capitaine Haddock cherchant à oublier ses malheurs en jouant jour et nuit à World of Warcraft dans la cabine du Karaboudjan dont il a abandonné la direction à son second Alan…
Pourtant, il existe deux différences importantes entre un alcoolique et un joueur de jeu vidéo excessif. La première, c’est Tournesol qui nous l’indique. Dans Tintin et les Picaros, il introduit dans la nourriture du capitaine une substance qui lui rend l’alcool insupportable. C’est que l’alcool est une substance toxique et qu’un autre toxique (ou si on préfère une autre drogue) peut s’opposer à ses effets physiologiques. Rien de semblable dans le cas des jeux vidéo. Il n’existe aucun médicament qui puisse en dégoûter… Autrement dit, il n’existe pas de dépendance physique chez le joueur excessif, et c’est une différence importante. Elle justifie à mon avis qu’on parle, à propos du jeu excessif, de compulsion plutôt que d’addiction.
Mais il y existe une autre différence entre l’alcool et les jeux vidéo. Ces derniers peuvent être utilisés comme un espace de construction du sens. Bien sûr, ce n’est pas le cas à chaque fois. Il existe en effet deux façons de jouer qui correspondent à deux formes d’interaction possibles : sensori-motrices et narratives. Les premières placent au centre les sensations et la répétitivité, tandis que les secondes encouragent l’identification et l’empathie : le joueur est invité à avoir des sentiments « pour » et « avec » les personnages avec lesquels il joue. Dans cette seconde façon de jouer, la préoccupation narrative est centrale. Et elle est à la fois historicisante et oedipianisante, c’est-à-dire structurante. C’est pourquoi les jeux vidéo accompagnent si bien de nombreux adolescents dans le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Si Haddock avait été accro aux jeux vidéo, je fais donc l’hypothèse que sa façon de jouer aurait évoluée au fil des albums. Parce qu’il est désespéré et honteux, il aurait d’abord joué de manière compulsive, pour oublier. Puis, au fur et à mesure de son évolution, il aurait joué de façon plus historicisante et narrative. Et en retour, cette pratique lui aurait permis d’aller mieux en favorisant la mise en scène de son histoire personnelle et familiale…
Les joueurs excessifs partagent souvent ces caractères. Il n’est pas rare qu’ils souffrent d’un état dépressif associé à un défaut d’estime d’eux mêmes, et nombre d’entre eux ont un tonus psychique de base défaillant qu’ils cherchent à compenser dans des pratiques extrêmes. On imagine facilement le capitaine Haddock cherchant à oublier ses malheurs en jouant jour et nuit à World of Warcraft dans la cabine du Karaboudjan dont il a abandonné la direction à son second Alan…
Pourtant, il existe deux différences importantes entre un alcoolique et un joueur de jeu vidéo excessif. La première, c’est Tournesol qui nous l’indique. Dans Tintin et les Picaros, il introduit dans la nourriture du capitaine une substance qui lui rend l’alcool insupportable. C’est que l’alcool est une substance toxique et qu’un autre toxique (ou si on préfère une autre drogue) peut s’opposer à ses effets physiologiques. Rien de semblable dans le cas des jeux vidéo. Il n’existe aucun médicament qui puisse en dégoûter… Autrement dit, il n’existe pas de dépendance physique chez le joueur excessif, et c’est une différence importante. Elle justifie à mon avis qu’on parle, à propos du jeu excessif, de compulsion plutôt que d’addiction.
Mais il y existe une autre différence entre l’alcool et les jeux vidéo. Ces derniers peuvent être utilisés comme un espace de construction du sens. Bien sûr, ce n’est pas le cas à chaque fois. Il existe en effet deux façons de jouer qui correspondent à deux formes d’interaction possibles : sensori-motrices et narratives. Les premières placent au centre les sensations et la répétitivité, tandis que les secondes encouragent l’identification et l’empathie : le joueur est invité à avoir des sentiments « pour » et « avec » les personnages avec lesquels il joue. Dans cette seconde façon de jouer, la préoccupation narrative est centrale. Et elle est à la fois historicisante et oedipianisante, c’est-à-dire structurante. C’est pourquoi les jeux vidéo accompagnent si bien de nombreux adolescents dans le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Si Haddock avait été accro aux jeux vidéo, je fais donc l’hypothèse que sa façon de jouer aurait évoluée au fil des albums. Parce qu’il est désespéré et honteux, il aurait d’abord joué de manière compulsive, pour oublier. Puis, au fur et à mesure de son évolution, il aurait joué de façon plus historicisante et narrative. Et en retour, cette pratique lui aurait permis d’aller mieux en favorisant la mise en scène de son histoire personnelle et familiale…