En quelques années, le mot « jeu » est entré dans le vocabulaire de la prévention et de la santé publique. Il n’évoque plus les plaisirs gratuits de la cour de récréation, mais l’enfer de la toxicomanie.
 
Ce sont les jeux d’argent qui ont été le pivot de ce changement. Le pouvoir médical qui s’occupait jusque-là d’alcool, de tabac et de cannabis – avec un succès très mesuré… – a décidé d’apporter sa réponse à un problème de société et s’est créé un nouveau champ de compétence autour de ce qui a été nommé « l’addiction aux jeux vidéo ». Chacun sait qu’au royaume des aveugles, le borgne est roi, et les médecins auto désignés compétents en « addictologie aux jeux vidéo » commencent à publier dans les revues spécialisées et à donner des interviews dans la grand presse. On les reconnaît facilement : ils traitent de la surconsommation de jeux vidéo sur le modèle de la surconsommation d’une substance toxique. Les problèmes sont envisagés de façon uniquement quantitative : le joueur joue un peu, beaucoup, à la folie… Et le remède est dans les alternatives : sport, gratifications scolaires, etc. Bref, il faut intéresser le joueur à autre chose ! Mais ils ignorent le rôle des guildes, des quêtes, les potentialités addictogènes différentes des différents types de jeu, les modalités différentes d’interaction, et toute la nouvelle culture de la relation à soi et à l’autre qui s’y construit. Bref, non seulement ils n’invitent pas à comprendre les changements en cours, mais ils dissuaderaient plutôt de le faire !
 
La réalité est que le monde des jeux vidéo propose aujourd’hui des produits qui ont une complexité et une diversité aussi grande que celles du cinéma. Les narrations y sont fortes, la recherche du sens par le joueur est souvent importante et les processus identificatoires de plus en plus complexes. C’est de là dont il faut partir. Mais les addictologues n’en ont manifestement guère le désir…