Si vous avez été un bébé gratifié d’un environnement précoce à peu près adapté à vos attentes, vous utiliserez probablement les jeux vidéo pour le meilleur de ce qu’ils peuvent offrir. Vous y construirez des figurines qui vous représentent sans vous sentir lié à elles autrement que pour le temps qu’elles vous sont utiles, un peu comme vous utilisez votre automobile le temps qu’il vous faut pour vous rendre quelque part. Et vous pourrez aller et venir dans les mondes des jeux en ligne un peu comme vous le feriez un dimanche après-midi dans une fête foraine. Vous expérimenterez des situations étranges qui vous laisseront des souvenirs excitants que vous aurez ensuite plaisir à raconter autour de vous, mais sans jamais que ne vous vienne l’idée de vous absenter de votre travail ou de votre école pour y retourner chaque jour !

Malheureusement, si votre premier environnement n’a pas rempli ce rôle structurant et stabilisateur, il y a tout à craindre que votre utilisation des espaces virtuels soit différente ! Ce n’est pas forcément la faute de ceux qui ont accompagné vos premiers pas dans la vie, d’ailleurs. Gardons-nous d’attribuer à une seule cause les aléas d’une entrée difficile dans l’existence. Peut-être l’adulte privilégié avec lequel vous avez d’abord interagi était-il chroniquement déprimé ou excité de façon perturbante pour le tout-petit que vous étiez. Mais ce n’est pas la seule raison possible de votre malaise, et bien d’autres raisons ont pu survenir : un accident a pu rendre brutalement l’un de vos parents moins disponible qu’il ne l’était auparavant, et une maladie a pu aussi vous rendre vous-même plus exigeant – voire intolérant – à un environnement qui a alors cessé de vous paraître satisfaisant. Bref, votre environnement n’a pas été « trop ceci » ou « trop peu cela », mais, à un moment donné, pour une raison ou une autre – et souvent plusieurs -, la bonne adéquation que la plupart des parents et des enfants établissent spontanément a cessé de fonctionner. Ce qui était « suffisamment bon » entre le bébé que vous étiez et ceux qui vous entouraient – pour reprendre la formule célèbre du psychanalyste anglais Winnicott – a cessé brusquement de l’être. Et vous risquez bien , alors, d’utiliser les jeux vidéo pour tenter de vous « réparer »…et d’y passer toujours plus de temps, avec le danger d e vous désocialiser de plus en plus.