Recherche de Serge Tisseron et coll. (Université Paris X) La violence des jeunes est un problème qui préoccupe tous les pays industrialisés, bien qu’il soit difficile de dire que les enfants d’aujourd’hui soient plus violents que ceux d’hier. Les causes sont multiples : sociales, psychologiques, familiales… Et les solutions sont elles aussi multiples : aider les parents en difficulté, mieux valoriser les compétences des jeunes (notamment dans le domaine des nouvelles technologies et des images), mieux les informer sur l’habitat et l’emploi, désenclaver les banlieues, etc. La recherche menée par Serge Tisseron et coll. (Université Paris X) en 2007 et 2008 sur 3 écoles(1) et 142 enfants a montré que le jeu de rôle pratiqué à l’école maternelle par les enseignants, selon un protocole particulier qui part des images qui les ont impressionnés, peut participer à la prévention précoce de la violence. Non seulement il invite les enfants à transformer les gestes d’agression en activité ludique tout en s’appropriant le langage, mais il permet à ceux qui ont tendance à s’enfermer dans des postures d’agresseur ou de victime à se penser autrement, et il enrichit l’éventail de leurs réponses possibles dans le sens d’une meilleure socialisation Tous les enfants ont été testés par des psychologues extérieurs aux établissements en début et en fin d’année et comparés à une population témoin. Les changements qualitatifs remarqués par les enseignants ont ainsi été confirmés par des résultats quantitatifs. Dans les classes avec jeu de rôle, 90% des enfants ont changé de posture de référence en juin, alors que ce n’est le cas que pour 77% des enfants des classes témoin. Ce changement concerne essentiellement les enfants identifiés en septembre aux agresseurs et aux victimes (dans les classes avec jeu de rôle, 92% des enfants qui adoptaient cette posture en septembre en ont changé en juin, alors qu’ils sont 62% dans les classes témoin). Le jeu de rôle n’a en revanche pas d’effet sur les enfants qui s’identifient en septembre aux autres postures (observateur, redresseur de tort et craintif- fuite). Le jeu de rôle augmente la proportion d’enfants adoptant une posture d’évitement de l’affrontement et d’appel à l’adulte. Le pourcentage d’enfants qui s’identifient à cette posture est le même dans toutes les classes en septembre 2007 (aux alentours de 20%), mais il passe à 35% en juin 2008 dans les classes avec jeu de rôle alors qu’il reste le même dans les classes témoin. Cette recherche montre qu’il est possible de lutter contre la tendance de certains enfants à s’identifier précocement et en toutes circonstances à un agresseur ou à une victime sans en stigmatiser aucun. Il est essentiel de promouvoir sa généralisation en proposant une formation optionnelle aux enseignants intéressés (sous la forme de trois journées sur une année) et de mettre en place une étude longitudinale pour voir comment évoluent, en primaire puis collège, les enfants qui ont bénéficié de jeu de rôle en maternelle.