La Méthadone existe en France depuis 1994. Ce médicament s’adresse aux personnes toxicomanes à l’héroïne qui désirent « arrêter » de s’intoxiquer mais qui sont encore trop fragiles pour y parvenir sans aide.

 Le traitement est long, nécessitant souvent plusieurs années. Il a pour but de limiter au maximum voire (si possible) de faire cesser le comportement d’intoxication. En France, la Méthadone est prescrite par les médecins qui travaillent dans les Centres de Soins Spécialisés aux Toxicomanes (CSST), et non par les médecins de ville. Ce traitement fait l’objet d’un protocole de suivi médical rigoureux : des consultations régulières pour réajuster la « dose » si besoin et des analyses d’urine pour s’assurer que le patient ne continue pas à prendre de l’héroïne ou d’autres drogues.

 

La Méthadone n’a pas toujours eu bonne presse dans notre pays, ce qui explique sa récente mise sur le marché. Depuis 40 ans, ce médicament est délivré dans des conditions sanitaires aberrantes aux Etats-Unis : le toxicomane vient chercher son flacon et s’en va. On ne lui propose aucun accompagnement éducatif et psychologique. Le but de cette pratique US est très simple : mettre à disposition des toxicomanes un produit qui est censé leur « éviter » d’avoir des comportements délinquants (agressions, vols, vente de drogue, prostitution, etc.). En d’autres termes, la méthadone à l’américaine n’a pas pour objectif le soin mais le contrôle social.

 

En France, le dispositif de soins aux toxicomanes s’est édifié sur une éthique qui refuse vigoureusement de tels errements. L’accent y est mis sur le respect de la personne souffrante et de sa singularité. Les équipes d’intervenants en toxicomanie sont traditionnellement composées d’éducateurs et de psychologues. Les premiers donnent des repères au quotidien et soutiennent le patient dans ses démarches concrètes. Les seconds lui proposent un suivi psychologique – ou psychothérapie – d’inspiration psychanalytique afin de l’aider à modifier la souffrance qui sous-tend son recours à la drogue ; en d’autres termes, à supporter sa vie en ayant de moins en moins besoin de s’intoxiquer.

 

L’introduction de la Méthadone dans les pratiques soignantes ne s’oppose pas aux prises en charge éducative et psychologique. Le médecin et ses collègues tiennent un discours commun au patient, en lui expliquant que ce traitement n’est pas un « médicament miracle ». Il s’agit de gagner du terrain sur le comportement toxicomaniaque (l’acte de consommation, mais aussi la recherche du produit et leurs conséquences sanitaires et sociales négatives). L’admission dans un « protocole » Méthadone est subordonnée à la signature d’un contrat de soins, où le patient est encouragé à mettre à profit les effets du traitement pour s’engager dans une prise en charge éducative et psychologique.

 

Ces effets ne nuisent pas à la communication ; un dosage équilibré de Méthadone ne comporte guère d’effets sédatifs. De plus, le patient prend chaque jour ce médicament dans les locaux du Centre de Soins (si l’observance est correcte, la délivrance est ensuite hebdomadaire) et cette fréquentation régulière, voire intensive, de l’institution concourt elle aussi à l’émergence d’une demande de psychothérapie. Satisfait de voir que le traitement limite efficacement sa « galère », le toxicomane se redécouvre alors du temps libre pour « se poser des questions » et être rendu à des émotions et des pensées jusqu’ici « enterrées » par l’héroïne. Certes, ces retrouvailles avec soi-même peuvent être très douloureuses. Mais la Méthadone , exerçant un effet « contenant », diminue ici les risques de « rechute » massive dans l’intoxication et d’absentéisme prolongé. Quand une réintoxication se produit pourtant, la prise de drogue est moins intense et plus brève. Cet épisode est même utilement critiqué par le toxicomane, qui « ne s’y reconnaît plus ». Le psychologue et le patient peuvent donc faire de tels moments critiques un objet de travail, tout comme ils prennent plus communément appui sur une estime de soi restaurée par le traitement pour renforcer et dynamiser leur alliance thérapeutique.

 

Au total, le traitement à la Méthadone ne représente pas un bâillon ni une lâche résignation par rapport à « la psychanalyse ». Il renforce au contraire la possibilité de mettre en place une psychothérapie psychanalytique avec le toxicomane.

 

Beauvais, le 15 janvier 2006