L’avant-projet de loi est quasi prêt. Mais l’Académie royale veut durcir les conditions de reconnaissance des psys.
Ricardo Gutierrez | Le Soir | 30-01-2007
Les professionnels de la santé mentale ne désespèrent pas d’obtenir enfin une reconnaissance légale… L’avant-projet de loi qui entend baliser le secteur sera discuté en intercabinets, cette semaine. Le ministre fédéral de la Santé, Rudy Demotte (PS), espère inscrire la loi à l’ordre du jour du Conseil des ministres, dans les prochaines semaines.
Le texte reste controversé, malgré une large concertation avec la profession. L’Académie royale de Belgique estime qu’il faut imposer à tout professionnel se revendiquant « psychothérapeute » une formation de spécialisation dispensée conjointement par les universités et les associations professionnelles.
L’avant-projet prévoit, pour rappel, d’habiliter trois catégories de professionnels « à exercer de façon autonome en matière de santé mentale » :
– les psychiatres, neuropsychiatres ou pédopsychiatres ;
– les cliniciens et les diplômés universitaires en psychologie, sexologie ou pédagogie clinique ;
– les psychothérapeutes qui ne sont pas forcément universitaires, mais qui ont au moins suivi une formation complémentaire agréée et peuvent se prévaloir d’une pratique clinique de trois ans au moins (les psychanalystes qui ne sont ni psychiatres ni cliniciens, les logopèdes, les psychomotriciens, les conseillers conjugaux, certains assistants sociaux…).
Le texte prévoit aussi d’instituer un Conseil supérieur des professions de la santé mentale qui pourrait accorder des dérogations à certains psychothérapeutes qui ne répondent pas strictement aux critères légaux.
Les psychanalystes ont été les premiers à contester l’avant-projet de loi. Avant d’autres catégories, comme les spécialistes de la mémoire, les neuropsychologues.
L’Académie royale manifeste, à son tour, sa grogne… Elle a adressé un courrier au ministre pour contester, notamment, la création d’un Conseil supérieur intégrant l’ensemble des professions de la santé mentale : « C’est tout simplement impraticable, plaide Leni Verhofstadt-Denève, vice-présidente du Comité des sciences psychologiques, à l’Académie… Chacune des catégories de professionnels en voie d’être reconnues doit pouvoir disposer de son propre conseil national. »
L’Académie voit aussi d’un mauvais oeil la reconnaissance de psychothérapeutes sans formation universitaire… « Un soutien scientifique de la pratique psychothérapeutique est essentiel pour garantir sa qualité, écrit l’Académie. Pour cela, il est nécessaire que les universités, en collaboration avec les associations professionnelles, soient impliquées effectivement dans la formation de psychothérapeute, avec au moins une préparation du niveau mastère. »
Bien que demandeuse d’un encadrement légal strict, la Plateforme de concertation des professions en santé mentale se veut plus souple : « Il est des formations d’excellent niveau en dehors du cadre universitaire », insiste Brigitte Dohmen.
Leni Verhofstadt-Denève reste dubitative : à défaut de garanties supplémentaires sur la formation des psychothérapeutes, il serait sage de procéder à une reconnaissance par phases… Habiliter, dans un premier temps, les professionnels dont la pratique « est déjà suffisamment fondée sur une base solide scientifiquement » (reconnaissance dont bénéficieraient notamment les psychologues cliniciens, les orthopédagogues et les sexologues). Puis valider, dans un deuxième temps, les autres psychothérapeutes qui répondent aux conditions légales.
Une reconnaissance en deux temps dont on ne veut pas, au cabinet du ministre Demotte, « dans l’intérêt du patient… Par rapport à la situation actuelle où n’importe qui peut se prétendre psychothérapeute, une loi globale s’impose ; le patient doit savoir s’il a affaire à un charlatan ou bien à un psy digne de ce nom ».