Quiconque doute de l’impact des images sur le corps n’a qu’à regarder un enfant confronté à un spectacle télévisé qui le malmène : ses mains se rejoignent et se tordent, il crispe ses doigts, mord ses lèvres, jette des regards effrayés alternativement vers l’écran et vers ses camarades ou encore mime avec des gestes sa certitude que les choses ne peuvent que mal tourner pour le héros. Ces tensions physiques sont évidemment liées à des charges émotionnelles excessives qu’il ne parvient pas à élaborer.
Heureusement, ce stress n’est pas condamné à rester sans solution. Pour le résoudre, l’enfant dispose de trois moyens complémentaires : le langage, le dessin et le jeu avec ses frères, sœurs ou camarades. Mais le plus souvent, il ne trouve pas le partenaire privilégié qui lui permettrait de réaliser cette élaboration. Et c’est d’autant plus le cas quand il regarde la télévision le matin. Il n’a pas le temps de parler. Il lui faut se dépêcher pour ne pas être en retard et il part finalement sur le chemin de l’école submergé par ce qu’il a vu. C’est peu dire que cette surcharge d’images complique ses apprentissages. Il doit pourtant s’en débrouiller. Et le lendemain, il recommence. Mais toutes ces images absorbées et non assimilées laissent des traces qui s’accumulent. Et ces traces ne sont pas sans conséquences. La télévision devient ce qui l’excite sans cesse selon un rythme toujours imposé par elle, et avec une intensité largement supérieure aux stimulations habituelles de la vie quotidienne. Ainsi la télévision impose-t-elle à l’enfant un équivalent technologique de la relation pathogène, hyperstimulante et intrusive, que le psychanalyste Paul Claude Racamier a décrit sous le nom de « séduction maternelle primaire ».