Alain Braconnier s’entretient avec Ondine Millot pour Libération (16-09-2006)

Alain Braconnier est psychiatre et psychanalyste spécialiste de l’enfance et de l’adolescence. Aux Entretiens de Bichat, il présidait une table ronde consacrée aux «enfants difficiles». Depuis plusieurs années, le terme d’«hyperactivité» est de plus en plus souvent employé au sujet de ces enfants agités, ce qui pousse parfois à tort à considérer leur comportement remuant comme une pathologie. Alain Braconnier appelle à la prudence dans le diagnostic et fait le point sur les traitements.

Comment doivent réagir des parents si on leur dit que leur enfant est «hyperactif» ?
Les parents doivent être vigilants vis-à-vis d’un diagnostic trop rapide. Il y a aujourd’hui une sorte d’effet de mode autour de l’hyperactivité. Les pédopsychiatres voient se multiplier les consultations à la demande de l’institution scolaire. «La maîtresse a dit que notre enfant était hyperactif et qu’il fallait consulter», nous rapporte-t-on. Or il suffit de se projeter dans son enfance pour se souvenir qu’on a pu être particulièrement remuant, voire pénible pour notre entourage, sans pour autant être habité d’un trouble psychiatrique. L’agitation chez l’enfant est normale. Chez un petit nombre d’entre eux, environ 5 %, elle peut révéler un véritable trouble, qu’on appelle «trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité ». Il convient d’observer attentivement plusieurs symptômes sur la durée (difficultés de concentration, oublis fréquents, effervescence…), avant de poser un tel diagnostic.

Comment soigner la vraie hyperactivité ?
Un traitement médicamenteux ponctuel ­ la Ritaline ­ peut s’avérer spectaculairement efficace et parfois très utile. Le danger, c’est de se dire, face à l’effet magique de la Ritaline : c’est bon, l’enfant est calmé, le problème est réglé. Le médicament, au contraire, doit permettre, en calmant les choses, d’ouvrir le dialogue avec les parents et avec un thérapeute. Le recours à la Ritaline ne peut se concevoir que s’il s’accompagne d’une écoute et d’une démarche thérapeutique. C’est seulement ainsi que le trouble lié à l’hyperactivité peut être définitivement résorbé.

Pourquoi en entend-on autant parler ?
La première réponse est que nous portons aujourd’hui plus d’attention aux comportements de l’enfant qu’autrefois. Parallèlement, cet intérêt accru s’accompagne d’une moindre tolérance vis-à-vis de l’agitation infantile. Les enfants sont aujourd’hui tous scolarisés et on leur demande très tôt d’être très calmes. Il n’y a donc pas forcément plus d’enfants instables, mais on les remarque d’avantage. Certaines évolutions de la société ont pu toutefois accroître les comportements agités. Notamment parce que l’enfant est beaucoup plus stimulé qu’avant, à la fois par son éducation et par son environnement. Je pense aussi aux modes d’exercice de l’autorité parentale, surtout paternelle, qui ont beaucoup changé. Chez des enfants débordés physiquement, le fait qu’on n’ose plus les calmer en faisant preuve d’autorité ­ je parle d’une autorité apaisante et sécurisante, bien sûr, pas d’une autorité agressive ­ peut renforcer l’hyperactivité.