L’année psychanalytique internationale 2008 – Editions In Press
Pour ce sixième numéro de l’Année psychanalytique internationale, le Comité de rédaction a décidé de traduire en français, une sélection de textes publiés l’année précédente dans « The International Journal of Psychoanalysis ». Un choix de treize articles aux signatures et aux appartenances doctrinales très diverses qui repose sur une louable ambition : croiser les pratiques cliniciennes sous le chapeau commun de l’Association Psychanalytique Internationale. On relèvera d’ailleurs en parcourant ce volume un message d’adieu des anciens rédacteurs de l’I.J.P. A l’heure de la communication analytique par Internet qui risquait d’enfermer cette publication dans une tour d’ivoire, ses responsables expriment clairement leur volonté d’ouvrir les colonnes au plus grand nombre d’analystes « quelle que soit leur provenance géographique ». Un geste qu’il convient de saluer puisqu’il correspond à la philosophie même de la psychanalyse fondée sur l’échange et la discussion cliniques.

On signalera ensuite un texte d’une grande clarté didactique sur l’identification projective signé Giovanna Regazzoni Goretti qui retrace, en partant des formulations originelles strictement kleiniennes, l’utilisation de ce concept par de nombreux auteurs depuis plus de soixante ans. Dans la même veine à la fois historique et formatrice, le développement du brésilien Leopoldo Fulgencio sur le « rejet par Winnicott des concepts fondamentaux de la métapsychologie freudienne », notamment ceux articulés autour du concept de « Trieb » (instinct/pulsion), mérite une lecture attentive. A côté de ces théorisations, au demeurant fort accessibles, quelques articles se consacrent spécifiquement à la clinique analytique : les questions adolescentes, dans la lignée des travaux remarquables de Frances Tustin ou bien les « éléments du style analytique » issus des séminaires cliniques de Bion nourrissent une réflexion qui se situe bien au-delà des apports réservés aux jeunes praticiens. Enfin, il convient de relever la présence, pour le moins inhabituelle dans un ouvrage destiné au grand public, d’un intéressant témoignage, celui d’Elizabeth M. Wallace : « Perdre un psychanalyste didacticien pour des raisons éthiques ». Alors qu’elle se trouvait en formation, l’auteure a vécu une procédure d’enquête lancée contre son analyste didacticien qui a abouti à l’exclusion de ce dernier. S’il convient, en dépit de ses trois années d’analyse déjà accomplies à l’époque des faits, de respecter le « ressenti douloureux », voire « traumatique » de la candidate en formation, il est toutefois permis de s’interroger sur certains des points mentionnés dans son texte. E. Wallace y décrit l’analyse de formation comme ayant un double but : « pédagogique et thérapeutique ». On peut rester dubitatif sur l’emploi du second adjectif tant il semble que l’analyse personnelle, obligatoire avant tout choix de professionnalisation analytique, est censée venir à bout d’éventuelles scories de l’inconscient. A moins d’une problématique d’attachement non résolue, et sauf à entendre que l’analyse didactique conduise à un but en opposition avec celui dévolu à l’analyse tout court – une forme d’autonomie et d’épanouissement du moi pour rester freudien – il appert que le contenu de son histoire met davantage en exergue une difficulté institutionnelle. Celle-ci est d’ailleurs révélée par la manière dont est menée l’enquête au sein de cet institut : un véritable verrouillage aseptisé de l’information à même de provoquer chez la jeune femme, une brève incursion sur les terres dangereuses de la psychose. Dans ses recommandations finales à l’usage des analystes susceptibles de rencontrer une situation similaire, Elizabeth M. Wallace a raison de souligner un point essentiel, signe qu’elle-même a su opérer un « tour complet » et repérer la « place d’où elle parle » désormais : la suspicion qui plane sur la nature des liens d’un analyste avec un de ses patients n’empêche pas un « authentique travail analytique » d’avoir lieu avec un autre./. Nice, le 23 septembre 2008 Jean-Luc Vannier