Philippe Delaroche | Lire | 00-10-2005

 

Une sourde rivalité opposait les psychanalystes aux partisans la thérapie cognitive et comportementale, la voici qui tourne à la guerre ouverte.

 

Les auteurs du Livre noir de la psychanalyse qu’a réunis Catherine Meyer appellent à reconsidérer son utilité et sa place, tant dans le champ thérapeutique (sept psychiatres sur dix sont freudiens) que dans la sphère universitaire – avec parfois le renfort de contributeurs involontaires, tel feu Aldous Huxley dont est reproduit un article de 1925, «Une supercherie pour notre siècle». Quatre repentis du divan dictent la manœuvre. Il s’agit de M.M. Borch-Jacobsen (historien non thérapeute et, incidemment, le plus décrié par les freudiens), Cottraux (psychiatre, patron de l’unité Anxiété au CHU de Lyon), Pleux (Institut français de thérapie cognitive) et Van Rillaer (professeur de psychologie, université de Louvain-la-Neuve). Ils avaient été séduits par la psychanalyse, de Freud à Dolto en passant par Bettelheim et Lacan. Ils en sont revenus déçus, dégrisés, convaincus d’avoir fait fausse route.

Ils livrent bataille en deux phases majeures, de la «face cachée de l’histoire freudienne» aux «victimes de la psychanalyse», entrecoupées d’un examen de son succès et de son déclin (sauf en France), assorties d’une revue de ses impasses – le tout à l’Œdipe, par exemple. De leur démystification au karcher, et tant pis pour l’outrance ou la mauvaise foi, Freud ressort décapé jusqu’à l’os: plagiaire, bricoleur, transgresseur, plus cash que sex machine.

 

A ceux qui redouteraient de ne pouvoir «vivre, penser et aller mieux sans Freud», Le livre noir oppose les autres thérapies, en même temps qu’il dissipe des contrevérités. La thérapie cognitive et comportementale ne se pratique pas qu’aux Etats-Unis, elle a conquis le Canada et l’Europe. L’hostilité des cercles freudiens ne l’empêchera pas de s’acclimater en France.

 

Le rapport de l’Inserm, qui concluait que la psychothérapie analytique (brève, donc controversée parmi les freudiens) aboutit à un résultat dans un seul cas (contre quinze à la comportementale), pèse moins que l’évidence: les psychanalystes reconnaissent leurs limites – notamment face à l’autisme. En dépit d’approximations, ce Livre noir stimule l’envie de revenir aux textes et aux interprétations, mieux que n’importe quel anathème.