Le visage du présentateur qui regarde chaque téléspectateur dans les yeux a le pouvoir de réveiller chez lui un souvenir enfoui, mais prompt à être réactivé : celui du visage(1) qui lui signifiait, par ses mimiques et ses intonations, quand il était enfant, la valeur affective à accorder à chaque événement nouveau. A cette époque, lorsque surgissait un imprévu, une mimique souriante et une voix détendue signifiaient à l’enfant qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Au contraire, un léger froncement de sourcil et une voix un peu plus forte alertaient sur un danger possible.

Nous avons tous oublié ce premier visage-, mais la vue en gros plan du présentateur télévisé en réactive la mémoire. C’est que, aujourd’hui comme jadis, un monde incompréhensible insécurise, voire paralyse. Nous avons non seulement besoin de connaître ce qui arrive, mais aussi de savoir si nous devons nous en réjouir ou nous en inquiéter. Alors le présentateur paraît…. Tel est son pouvoir, que bien des politiques lui envient et qui le rend si redoutable. Les figures rondes des dessins animés pour enfants, qui leur parlent les yeux dans les yeux avec des mimiques fortement expressives, en sont les précurseurs. Comme eux, les présentateurs télévisés qui évitent de dire trop nettement « ce qu’il faut penser », font largement comprendre, par leurs mimiques et leurs intonations, ce qu’il faut « éprouver ». Et c’est finalement la même chose.

(1) Celui de notre mère, le plus souvent, mais ce pouvait tout aussi bien être celui d’un père, d’une sœur plus âgée ou d’un grand-parent