Ni pour ni contre. Mais le psychanalyste peut éclairer la réflexion. Il peut aider à comprendre l’essentiel : ces requêtes ne correspondent pas à une simple extension des pratiques à des destinataires qui en seraient lésés. Elles correspondraient à une modification de ces pratiques. Du coup s’impose de réfléchir l’incidence qu’aurait cette modification sur l’enfant, non seulement sur l’enfant concerné, mais sur tous les enfants. Car ce qu’une loi énoncera quant au principe du lien d’un enfant avec ses parents, cela vaudra pour tous.
Le mariage est un rituel d’accompagnement ; il entoure la mutation attendue des adultes, au moment pour eux d’établir une vie de couple qui profile la procréation. Ils ne sont plus adultes seulement, responsables d’eux-mêmes ; ils se préparent à devenir adultes et parents, responsables d’eux-mêmes et de leur enfant. C’est la perspective de l’enfantement qui est la seule raison d’instituer leur relation ; d’où résulte que cette institution ne peut donc être que celle d’un homme et d’une femme. L’institution familiale, notamment par le mariage, inscrit sa place à l’enfant éventuellement à venir, afin d’assurer sa protection. La relation de deux adultes, si elle ne profile pas l’enfantement, demeure de nature contractuelle, non pas institutionnelle. La rendre institutionnelle modifierait l’implication de la société dans son implication à l’égard de l’enfant : l’institution par elle ne serait plus fondée depuis la perspective de l’enfantement. Or ce rôle social est celui de la protection de l’enfant. Il y aurait donc une dévaluation de l’engagement de la société dans son rôle médiateur de la relation parent-enfant.
La relation homosexuelle se met à distance de l’enfantement ; elle est une relation qui s’écarte de la procréation. Elle n’est pas une stérilité, mais une relation qui se prive de la fertilité potentielle.
Ce qui explique aussi la question posée par la réclamation d’un “droit d’adopter”, formulée par les homosexuels. L’adoption est “comme un enfantement”, afin de donner le primat au désir d’enfantement, pour soulager l’enfant du vécu de l’abandon. Énoncer un droit d’adopter, depuis une relation qui s’est écartée de l’enfantement, ce serait modifier le fondement de l’engagement adoptif, et brouiller la réflexion de l’enfant : l’adoption ne serait plus “comme un enfantement”. Ce serait instaurer un droit à l’enfant, ou au moins en ouvrir le principe. Ce qui ne serait pas sans conséquence dans la conception du lien à l’enfant, à tous les enfants.
L’enfant perçoit, même si c’est intuitivement, ce que les adultes d’aujourd’hui peinent ou refusent de prendre en compte, à propos de la relation homosexuelle : elle met à distance l’enfantement. C’est sa visée inconsciente ; les intéressé(e)s se démarquent de « l’hétérosexualité » de leurs parents. C’est que la relation à leurs parents fut pour eux une cause de souffrance et de perplexité. En résulte leur problématique à l’égard de la procréation, à la fois inquiétude et refus de l’enfantement, dans un refus de s’identifier à ce qu’ils firent. Du coup, les homosexuels se privent d’une relation hétérosexuelle, parce qu’elle est potentiellement procréatrice, qu’elle profile l’enfantement. Leur procréativité est mise en impasse. Les lois sociales doivent-elles contourner ce qu’édicte la vie affective des individus ? Ce que les intéressés se refusent (se rendre parents par la relation), la loi doit-elle le leur accorder ? Tel est le point de départ de la réflexion préalable à toute décision.
Paris, le 13 novembre 2006