Pour comprendre ce qu’est un avatar, le mieux est de le déconstruire. Imaginons pour cela une sorte de « strip-tease ». L’exercice n’est pas théorique puisque chacun peut s’y livrer sur Second Life.
Tout commence bien sûr par un déshabillage en règle. Vous faites enlever à votre avatar sa chemise, sa jupe ou son pantalon, puis ses sous-vêtements, jusqu’à ce qu’il se retrouve aussi nu qu’une poupée Barbie dans sa boîte de base. Mais l’effeuillage de l’avatar ne s’arrête pas là. La chevelure, le sourire, l’expression du regard, la façon de marcher et de se mouvoir, les ongles, les poils et jusqu’à la peau peuvent être enlevés tour à tour. A la fin, votre avatar n’est pas seulement aussi nu qu’un fœtus, il est aussi lisse et inexpressif que lui. Ces différentes caractéristiques de votre avatar que vous avez successivement ôtées sont appelées des « objets ». Autrement dit, votre avatar n’est rien d’autre qu’un assemblage d’objets numériques. L’informaticien et le psychanalyste se rejoignent ici sur un point : les « objets » ne sont pas pour eux des outils susceptibles d’être manipulés pour transformer le monde, mais tout ce qui est susceptible d’éveiller le désir. Il n’y a pas de différence, de ce point de vue, entre une paire de gants, un chapeau, des lunettes, un pénis, une façon de marcher, une coupe de cheveux ou un certain éclat dans le regard. Le psychanalyste appelle tout cela des objets « partiels », puisque ce sont à chaque fois des fragments de corps ou de vêtement, et que leur point commun est de pouvoir mettre le désir en route chez quelqu’un qui les voit. . Les avatars sont des poupées d’objets partiels, non seulement conçues pour mobiliser le désir, mais aussi pour le satisfaire ! Car si beaucoup de choses sont possibles dans les mondes virtuels, se toucher y restera encore longtemps impossible. Il nous faut nous contenter de ce que notre regard attrape : une belle poitrine, une chevelure doucement caressée par le vent, une démarche chaloupée… Nous sommes invités à en jouir sans nous préoccuper d’une autre forme de contact. C’est pourquoi, dans les espaces virtuels, les objets partiels mobilisent le désir avec une force qui a peu d’équivalent dans la vie réelle, et qui rappelle celle de la publicité.