Ricardo Gutierrez| Le Soir| 24-09-2005

 

Que penser des psychothérapies? Un rapport officiel valide scientifiquement les quatre grands courants. N’en déplaise aux auteurs du "Livre noir de la psychanalyse"

Freud n’est pas un imposteur. . . N’en déplaise aux auteurs du « Livre noir de la psychanalyse ». L’efficacité de sa pratique, comme celle des trois autres grandes orientations de la psychothérapie, est scientifiquement démontrée. Vingt-trois experts belges ont planché, pendant plus d’un an et demi, sur la question, à la demande du ministre fédéral de la Santé. Ils sont formels : les psychothérapeutes ne sont pas des charlatans.

 

L’expertise se veut nuancée : si les principales pratiques sont efficaces, elles ne sont pas universelles. Les troubles de la personnalité céderont plus facilement à la cure psychanalytique, alors que l’anxiété sera mieux traitée par les thérapies comportementalistes. Notre « Livre blanc » reste ouvert, commente le professeur Isidore Pelc (ULB), qui a piloté le rapport, mais il faut bien admettre que certaines psychothérapies n’ont pas encore prouvé scientifiquement leur efficacité. Même quand elles sont pratiquées dans les hôpitaux universitaires. C’est le cas, notamment, de l’hypnose, de la relaxation, de la sophrologie ou des thérapies psycho-corporelles.

 

Un rapport officiel du ministère de la Santé confirme l’efficacité des psychothérapies.. Y compris de la psychanalyse, étrillée par un récent Livre noir.

 

L’efficacité des psychothérapies est scientifiquement démontrée.C’est un rapport officiel qui l’affirme. Il vient d’atterrir sur le bureau du ministre fédéral de la Santé, Rudy Demotte (PS), qui s’apprête précisément à réglementer la profession (" Le Soir " du 16 septembre).

 

L’expertise émane du Conseil supérieur d’hygiène (service public fédéral de la Santé publique). Elle est signée par 23 spécialistes, sous la présidence d’Isidore Pelc, professeur de psychologie médicale à l’ULB et chef du service de psychiatrie au CHU Brugmann.

 

Les auteurs du rapport ont planché, pendant plus d’un an et demi, sur l’état des psychothérapies, en Belgique. Avec l’objectif d’établir l’efficacité de ces pratiques, à l’aide de données scientifiques basées sur l’évidence (" evidence based ").

 

Les quatre principales orientations des soins de santé mentale sont passées au crible, chacune selon des critères scientifiques d’évaluation pertinents : la psychanalyse, les thérapies comportementales et cognitives (TCC), les thérapies familiales, et les psychothérapies centrées sur le client (lire ci-dessous).

 

Notre travail démontre que chaque technique est scientifiquement reconnue comme traitement efficace. Mais pas pour n’importe quelle pathologie, nuance Isidore Pelc. D’abord, toutes les orientations ne sont pas indiquées pour tous les troubles. Ensuite, même face à un diagnostic identique – un état dépressif moyen, par exemple -, plusieurs psychothérapies peuvent se révéler efficaces. Ainsi, la psychanalyse sera indiquée si la dépression est causée par un conflit inconscient refoulé. En revanche, si l’état dépressif est dû à une inadaptation sociale, à un problème d’apprentissage, c’est évidemment la thérapie comportementale et cognitive qui doit s’imposer.

 

Le problème, poursuit le professeur Pelc, c’est que ni le patient ni même la plupart des psychothérapeutes ne sont conscients de ces spécificités. À cet égard, la guéguerre que se livrent psychanalystes et comportementalistes, à travers la polémique sur " Le Livre noir de la psychanalyse ", m’apparaît bien vaine. Un imposteur, Freud ?… Certains professionnels en viennent manifestement à raconter des âneries pour la simple raison qu’ils ne connaissent rien à la méthodologie et aux critères d’évaluation des psychothérapies qu’ils critiquent.

 

Isidore Pelc regrette ces polémiques stériles, dit-il. D’autant plus que le rapport du CSH met aussi en évidence l’importance croissante des soins de santé mentale…

 

En Belgique, chaque année, plus de 800.000 personne (11 % de la population adulte) manifestent un trouble mental (essentiellement des troubles dépressifs et des phobies). Mais à peine un patient atteint sur trois consulte un thérapeute professionnel.

 

Dans la plupart des cas, le malade s’adresse a un médecin généraliste et ne bénéficie, généralement, que d’un traitement médicamenteux… Les psychothérapies ont manifestement de beaux jours devant elles.