S’agissant de psychanalyse, la liberté d’association est la règle, l’ouverture de l’attention est l’enjeu. De cela, il n’y a pas d’administration possible. Car l’expérience en question, à l’égal d’une oeuvre de l’esprit, d’une invention ou d’une fiction, n’a pas pour régime l’autorisation préalable, s’écarte de l’ordre prescriptif, exclut la mise sous tutelle ou sous surveillance sociale. Plus encore, et c’est une leçon de l’histoire, elle a pour condition le droit au secret vis-à-vis des tiers et elle est détournée de sa finalité lorsqu’elle est gérée comme un bien ou traitée en termes collectivisables.
Il n’y a donc rien d’exorbitant, ni point de vue idéal ni visée élitaire, à rappeler que l’analyse au sens freudien ne peut exister qu’en tant que mise en oeuvre effective d’un droit, du droit à la liberté de penser.
Ainsi, responsables de leur expérience même, un analysant comme un analyste sont chacun partie prenante de l’acte analytique, celui où le savoir peut être considéré comme faillible et où la vérité a chance de s’avérer par surprise. Mais alors ce qui fait lien ne peut être garanti ni par la formation universitaire ni par la référence doctrinale, ni même par l’appartenance à une association reconnue. Et ce qui ici fait acte ne peut être soumis à codification, technicisation, tarification, voire contractualisation – et quoi encore?
Que l’on veuille encadrer les psychothérapies et que des professionnels s’y prêtent, cela n’a rien de bien nouveau. Ce qui l’est plus, c’est qu’on tende à traiter le public comme un malade, ce qui est faire affront à la détresse sociale et prétendre interdire de trouver une issue à ceux qui veulent échapper à la vie administrée – ce à quoi l’analyse se doit de contribuer.
Les conflits qui déchirent l’humain dans le quotidien de son histoire appellent un effort de civilisation, une tentative pour frayer une voie neuve aux pulsions qui nous animent. Ce champ, celui de la culture en un sens élargi, il y aurait abus de pouvoir à le réduire à un segment du domaine sanitaire de façon à l’aseptiser. C’est pourquoi l’exigence première aujourd’hui est d’affirmer, encore une fois, que ce dont va témoigner le sort fait à l’analyse en devenir est celui réservé à l’une de nos libertés.
Le 5 janvier 2004,
Guy CIBLAC, Éric DIDIER, Michel DIDIER LAURENT, Pierre EYGUESIER, Jacques NASSIF, Christian ODDOUX, Patrick SALVAIN, Serge VALLON, Françoise WILDER (*)
(*) Inscrits aux Cartels Constituants de l’Analyse Freudienne (Association membre de l’Inter-Associatif Européen de Psychanalyse et de l’internationale Convergencia)