René Major | IHEP | 7-03-2006 & 21-04-2006
Nous reprenons ci-dessous le texte de la première lettre de R Major (7 mars 2006), on trouvera la seconde lettre (21 avril 2006) ainsi que de nombreuses annexes sur le site de l’IHEP.
Monsieur le Ministre,
Vous avez bien voulu faire connaître au public votre décision de vous saisir personnellement de la préparation des mesures réglementaires d’application de l’article 52, relatif à l’usage de « titre de psychothérapeute », de la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, chapitre « cancer et consommations à risques », au titre des « objectifs et plans nationaux ».
L’objet de votre démarche sera pour l’heure le mien, lorsqu’il convient de savoir comment la loi promulguée pourrait recevoir une application convenable du point de vue de l’autorité qui aura à en connaître. En effet, la perspective de recours a d’ores et déjà été évoquée semble-t-il en réunion, par un agent de votre Ministère, pour, chose bien curieuse au regard des principes généraux du droit, en faire valoir une prétendue difficulté au cas présent d’avis préalable à requérir du Conseil d’État pour la prise du décret d’application par le Premier Ministre. Dans le même élan, et chose encore plus étonnante, la loi et des « demandes d’associations d’usagers » semblent avoir été posées sur le même pied comme sources et cadre directif du décret à prendre.
Pour ma part je m’abstiendrai de faire valoir ici ce qu’ont été mes souhaits ou ce qu’ils pourraient être encore quant à la teneur de la loi. En effet, les développements que l’on constate actuellement, quant à la loi votée et promulguée, sont d’une tout autre gravité. Et dès lors, les questions de principe peuvent tout aussi bien et mieux encore que dans le vague se trouver appelées dans les circonstances les plus apparemment dérisoires d’application.
La teneur de l’« avant-projet » de décret officiellement communiqué le 10 janvier 2006 semble révéler une perspective d’application de rédactions parlementaires préparatoires à celle de la loi votée. L’on peut parfois, de façon ordinaire, supposer que des lois ou règlements sont appliqués dans une autre perspective que celle qu’ils paraissent présenter. Ici la mesure est tout autre : il semble s’agir d’appliquer des textes ou parties de ceux-ci bien identifiables, de la solennité de ceux examinés au Parlement, qualifiés de « petite loi », au lieu de prendre acte de la teneur de la loi adoptée et promulguée.
Ces textes intermédiaires dits de « petites lois » ne relèvent pas de simple supposition de but contraire à celui du texte à appliquer : ce sont des actes du Parlement. La mise à l’écart de ces textes précédents lors des différentes lectures, dès la deuxième de celles-ci, a exclu expressément toute prétention à légiférer et en conséquence réglementer sur les psychothérapies. Le Ministre de la Santé, votre prédécesseur M. Mattei, a indiqué au Président de Commission au Sénat que les services du Ministère de la Santé étaient dans l’incapacité de définir les psychothérapies, et a décrit qu’ils n’en possédaient pas la compétence au sens juridique du terme. Le Président de Commission venait d’indiquer que de tels travaux ne relevaient en rien de la compétence constitutionnelle du Parlement. Ce point ne semble dès lors pas pouvoir être discutable, d’une part comme de l’autre.
L’on ne peut ignorer cependant que des études exclusivement médicales aient été présentées pour se proposer de conférer par adoubement à l’administration la compétence de fait et juridique qui lui manquait. Cependant, les études en question, parodies de science en tant que prétendues méta-analyses, ne sauraient nullement pallier les questions de double incompétence juridique et matérielle, décrite et même revendiquée au Sénat par votre prédécesseur.
Par surcroît, il semble que soit revendiqué l’emploi dans de telles études de sources provenant de pays étrangers, relatives à l’observation de pratiques relevant de quelque sorte que ce soit de la psychanalyse — quand bien même sous le vocable ou aspect d’épithète accordé à substantif « psychothérapie ». Dans ces conditions, j’ai l’honneur de soulever que ces études semblent justiciables des juridictions pénales en France, la caractéristique de fait et juridique essentielle de quelque pratique psychanalytique que ce soit comportant nécessairement incitation du patient et but de libre association des paroles par celui-ci, avec variations de celles-ci autant et aussi extrêmes qu’il puisse s’en produire. Il ne peut être prétendu que de quelconques pratiques qui ne comporteraient pas cette caractéristique présenteraient le moindre titre à épithète ou substantif relatif à psychanalyse.
Il s’ensuit nécessairement, par cette pratique, rigoureusement exclusive à la psychanalyse et qui effectivement n’est revendiquée dans aucune autre pratique que celle-ci, que, quelle que soit la teneur des paroles prononcées par le patient, ces paroles relèvent de manière irréfragable du secret professionnel le plus absolu, la plupart des exceptions relatives à la médecine ne semblant aucunement pouvoir leur être appliquées.
Dès lors, des études qui, ouvertement, de façon incompréhensible dans le cadre d’établissement public de l’État, ont pu prétendre examiner des pratiques relatives à la psychanalyse — à défaut de quoi ces études ne sauraient être prétendues scientifiques de la sorte qu’elles le sont prétendues —, semblent devoir rendre les auteurs qui les revendiquent passibles de poursuites pénales, d’ordre public français. L’invocation de telles études devant les juridictions de l’ordre administratif se verrait opposer le principe suivant lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude pour en tirer bénéfice. Le nombre et la proportion d’adeptes de ces études ne sauraient par hypothèse émouvoir les juridictions. Nous nous trouvons bien en présence d’adeptes de leur propre compétence illimitée par usurpation de l’ordre public juridique français, au prétexte de « la science » : les seuls arguments étant précisément que les sources documentaires de leurs études sont exclusivement étrangères, ce que, pour comble, ils déplorent et cherchent à « corriger », et selon lesquels ce qui se fait à l’étranger doit pouvoir se faire en France. De telles personnes semblent n’avoir même plus de notion de l’application de l’ordre public juridique français aux actes commis en territoire étranger par des Français, non plus que celle relative au recel, incitation et complicité d’actes étrangers dont au moins l’utilisation semble pénalement répréhensible en France.
Ou bien la matière qu’ils ont prétendu examiner était de la nature de celle de pratique relative à la psychanalyse, par épithète ou substantif, et leur étude est dans cette mesure pénalement répréhensible comme il vient d’être exposé, ou bien la matière qu’ils ont examinée par prétention de « méta-analyse » ne devait pas recevoir le qualificatif de relative à la psychanalyse, que ce soit par épithète ou substantif, et représente ce qui peut être rapproché de faux. Jusqu’à plus ample informé, les prétendants scientifiques doivent obéissance à la loi, aux codes qui en sont les recueils et aux principes fondamentaux et grands principes qui en sont tirés, tout comme l’administration. Mais peut-être cela se perd-il.
Ceci exposé quant à la compétence directe de l’administration pour appliquer les dispositions de la loi qui nous occupe, compétence longuement réfutée au Sénat par votre prédécesseur, en tant qu’elle devrait être directement exercée tout du moins, il s’avère que plus généralement, les domaines sont nombreux dans lesquels l’administration ministérielle ne peut, pour des motifs soit matériels soit juridiques, soit les deux, exercer directement sa compétence de principe. C’est ainsi notamment pourquoi le texte adopté et promulgué comme loi a traité d’un titre, celui de psychothérapeute, en écartant expressément toute considération de la pratique de ceux qui porteraient ce titre. Mais même cette prudence ou choix de perspective ne pouvait tout résoudre de façon explicite dans la loi. Cependant il convient de rechercher l’application de la loi votée, et non d’un autre texte, pour ensuite résoudre dans l’application de la loi votée les questions que celle-ci soulève, et non aller chercher d’abord les réponses à celles-ci dans les textes intermédiaires au Parlement, lorsqu’ils sont de perspective principale contraire à celui adopté et promulgué. L’administration du Ministère voudrait faire échouer la loi et l’ordre public tout entier qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Le refus de prendre les textes en due considération avant de, et pour pouvoir les critiquer, relève le plus habituellement de caractéristiques de délinquance.
Or, le projet de décret communiqué n’a de cesse en toutes ses parties de contourner les dispositions de la loi, tant par le contenu de la formation à recevoir que par les conditions posées pour l’usage du titre, relatifs à psychothérapies. De tels procédés semblent pouvoir relever, en sus de constatation préalable d’autres vices juridiques, de la qualification de détournement de pouvoir, que la procédure parlementaire et les textes de celle-ci paraissent établir de manière bien moins ordinaire qu’une simple supposition.
À ma connaissance, celui qui a l’usage du titre légal de psychologue n’a nulle obligation d’exercer une activité de psychologie pour cet usage de titre. Il en est a fortiori de même du titre de psychothérapeute prévu par la loi telle qu’adoptée et promulguée.
Sur ce point, le projet de décret n’est en rien l’application de la loi, il est l’application de l’amendement portant le nom de M. le Député Bernard Accoyer, amendement abandonné par le refus exprès du Parlement de légiférer sur les psychothérapies.
Ce projet de décret est dès lors vicié de sa première disposition à la dernière, par une volonté, niée contre l’évidence, d’appliquer l’amendement initial dont le but a été expressément écarté tant par les débats que par le vote parlementaire, sur texte recevant soutien du gouvernement et appropriation par celui-ci.
Il est donc certain, comme il a été rapporté qu’un agent de votre Ministère en faisait un état détaillé, que le propre texte qu’il communiquait serait une fois décrété appelé à subir les avanies de contentieux, et que c’est la présence seule d’un auditoire qui était recherchée pour s’entendre dire que le recours est plus difficile contre décret pris sur avis du Conseil d’État. Chose évidemment inexacte, grossière atteinte à l’État de droit de le supposer seulement et en telle position, et mauvaise idée de relancer de la sorte les critiques déjà trop répétées sur l’organisation du conseil et du contentieux en un Conseil d’État corps unique, au regard des traités internationaux auxquels la France est partie. Le Conseil d’État a déjà trop souvent au goût des gouvernements annulé des mesures réglementaires prises sur son avis positif en Chambre autrement composée, pour que l’on puisse douter des intentions à soutenir le contraire. Mais il n’est en revanche pas étonnant dans ces conditions d’état d’esprit de trouver un projet de décret qui cherche à appliquer un bien connu autre texte que celui de la loi adoptée et promulguée.
Le point général étant posé, que le titre de psychothérapeute que les dispositions de la loi établissent ne permet en rien de contrôler que la chose de psychothérapie soit présente et, ou, pratiquée, par un prétendu « exercice » en de quelconques « sites » que ce soit, il en découle dès lors et il échet d’abord de relever la confusion la plus totale du projet de décret entre application de la loi promulguée et application de l’amendement Accoyer rejeté, sans parler de l’application cumulée de prétendues exigences d’associations d’usagers, officiellement indiquées en même autorité que la loi, et ainsi :
— que la loi dispose quant à la « résidence professionnelle », et non quant au « lieu d’exercice professionnel » ; qu’il n’est nullement question dans ces conditions de réglementer sur déclaration de « lieux d’exercice dans plusieurs sites en tant que psychothérapeute », au risque d’ailleurs, s’agissant de psychothérapies, de devoir inscrire « dans la forêt » ou « dans les salons » sur des listes d’État, et de devoir signaler avant séance par les télécopies et email prévus par le projet de décret les adresses de chaque patient ou client ou les sentiers empruntés ;
— que l’application à la durée de deux ans d’interruption d’usage du titre, prévue par les dispositions de la loi, d’un critère d’« exercice en tant que psychothérapeute », relève du détournement de pouvoir, la loi ne prévoyant nullement un « exercice de titre », ce qui caractérise sans discussion possible une profession désignée par le titre, mais seulement l’usage du titre ;
— qu’en effet, la loi indique à quatre reprises le terme « professionnel », comme substantif ou adjectif, sans jamais, et pour cause, préciser de « profession » pour le cas général, et, mieux, si l’on ose dire, la loi indique à trois reprises le terme « personnes », puisqu’il s’agit de disposer sur un titre, et point sur autre chose ; que la mention « de droit » pour les psychanalystes mentionnés par la loi ne permet en rien de laisser supposer le contraire, puisque la mention des psychologues est celle par titre et non d’un exercice professionnel, et quant à celle première dans la liste des catégories « de droit », il s’agit de simples titulaires d’un diplôme, celui de docteur en médecine, lequel critère formel de diplôme ne suppose non plus en rien l’exercice d’une quelconque profession déterminée ni a fortiori inscription au Tableau de l’Ordre;
— que la formation prévue en « psychopathologie clinique » ne saurait en rien contenir quoi que ce soit relatif aux psychothérapies, sous quelque prétexte que ce soit ; que, dès lors, si l’on a prévu, dans le projet officiel actuel de décret, un « master » complet en cinq ans incluant un enseignement illégal imposé à de prétendues approches de psychothérapie, au nombre de quatre, dont chacune est supposée occuper jusqu’ici plusieurs années, à supposer que l’on n’y consacre qu’une seule respectivement, par soustraction l’on trouve une durée de un an : effectivement amplement suffisante pour enseigner la « psychopathologie clinique » dans la perspective expresse de la loi, celle de protéger le public de « comportements à risques » présentés comme ceux de séduction par adeptes de sectes, et pour en vérifier les dispositions ou non chez les candidats à la formation envisagée par la loi, pas plus et pas mieux par de plus longues études, un tel critère de longueur artificielle étant étranger au but poursuivi par la loi ;
— que dans ces conditions, il est illégal, pour l’application des dispositions d’article législatif qui nous occupe, de laisser aux universités ce qui serait au cas présent l’abus de déterminer des « prérequis » pour une formation indiquée comme « de niveau master » : de prérequis, il ne saurait en exister selon finalité de la législation en question, seulement celui qui aussi par but vise à protéger le public contre les sectes, finalité sans cesse répétée, par le moyen d’une formation limitée à « psychopathologie clinique », à l’occasion de laquelle à titre essentiel la capacité et volonté des intéressés de communiquer avec leurs collègues, et de savoir prendre connaissance, à partir de matière de psychopathologie clinique exclusivement, des discussions des pratiques qu’éventuellement ils exercent, peut-être constatée ; que dès lors, la remise aux universités des formations à assurer, compte tenu de l’autonomie d’ordre public des universités, consiste en détournement des dispositions législatives qui nous occupent, consistent en démission de fait des obligations d’application de dispositions législatives qui incombent à l’administration et au pouvoir réglementaire et à eux seuls, et aucunement à l’université, quoique celle-ci n’en soit pas pour autant écartée, mais puisse être appelée à simplement s’associer à la mise en œuvre, selon des modalités principales qu’il ne lui appartient pas, au regard de la loi qui nous occupe, de définir dans l’incompatible cadre de son autonomie d’ordre public ; que poser une telle question en termes d’« impossibilité d’interdire aux universités de passer des conventions » montre bien le point dont il s’agit, mais à rebours : il ne saurait être question sans illégalité de confier aux universités le « pilotage » de ces conventions par autorité conférée sur ces formations à finalité spécifique quant à spécificité de titre de psychothérapeute, finalité et spécificité posées par les dispositions de la loi ;
— que la nomination et le dénombrement, et ainsi limitation de prétendues « approches » de psychothérapies, outre l’évocation par le mot « approche » de celles de séduction que la loi cherche à éviter, est illégale ; que par surcroît la mention de « psychothérapie analytique » viole les dispositions expresses de la loi, par soustraction parasitaire, au sens juridique du terme par hypothèse, à l’activité des psychanalystes mentionnés au même titre que les médecins et les psychologues ; qu’il ne pourrait en être débattu autrement que s’il pouvait être sérieux de mentionner « psychothérapie médicale » et « psychothérapie psychologique » à l’instar de « psychothérapie analytique », alors que manifestement tel n’est pas le cas loisible de le faire ;
— que la loi ne prévoit nullement une « formation théorique et pratique », mais des « conditions … théoriques et pratiques » de « formation … en psychopathologie clinique » ; que la confusion sur ces termes, entretenue systématiquement dans les documents écrits et déclarations émanant du Ministère, projet de décret compris, jette une lumière toute particulière sur l’ensemble de la démarche d’application suivie ; que cette confusion est effectivement de nature à vider de son sens la mention des psychanalystes dans la loi, à l’instar et au renfort de la mention précitée de « psychothérapie analytique » en projet de décret ; qu’en effet, si les psychanalystes sont cités à titre particulier à l’instar des titulaires du titre de psychologue et des titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, c’est d’évidence par le point commun de disposer d’une formation quelles que soient ses « conditions théoriques et pratiques » à la « psychopathologie clinique » ; que la loi n’entend pour autant en rien amalgamer les formations particulières ainsi reconnues, alors qu’elle suppose la reconnaissance d’équivalences, comme il est prévu pour le coup par les formulations expressément explicitées du projet de décret, le « niveau master » étant officiellement destiné à constater ces équivalences aux psychologues et aux titulaires d’un diplôme de docteur en médecine ; que dans ces conditions, la mention par la loi de « conditions théoriques et pratiques » et non pas de « formation théorique et pratique » vise les conditions dans lesquelles cette formation peut être soit reconnue acquise, soit rester à acquérir ; que manifestement à cet égard les psychanalystes visés par la loi sont dans la même situation que celle reconnue aux titulaires du titre de psychologue et titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, quelles que soient les étonnantes allégations contraires que nombre desdits psychanalystes ont pu se croire fondés à formuler, dans le cadre des confusions suscitées par les écrits et déclarations émanant du Ministère lui-même ;
— que la définition de la formation prétendue quant à la loi de façon erronée comme « théorique et pratique » à la psychopathologie clinique ne saurait non plus supposer celle d’« une connaissance du fonctionnement psychique », expression d’assemblage particulièrement inapproprié, la psychopathologie supposant seulement la connaissance de ce qui peut être décrit négativement, le « fonctionnement » pouvant éventuellement se comprendre rapporté à la neurologie, et point au « psychisme » ; que dans une loi relative à la politique de santé publique, ensemble dispositions concomitantes relatives à la santé mentale, la mention de formation à la « psychopathologie » ne saurait être entendue comme celle à ce qui serait de « fonctionnement », représentant ce qui aurait réclamé la mention de « formation à la santé mentale clinique » ; que l’assemblage de termes « discrimination de base » est à la mesure de ceux de « connaissance du fonctionnement psychique » : dénuée de tout sérieux possible, ou bien issue de principes prohibés par ceux fondamentaux reconnus par les lois de la République et par les grands principes du droit ; mais que dès lors, on ne s’étonne pas de trouver dans le projet de décret la mention de « situations pathologiques en santé mentale », assemblage de termes absurde ; que la mention de « validation scientifique » des précitées « approches de psychothérapies » n’a rigoureusement aucun fondement autre que celui de cénacles médicaux réfractaires à toute retenue juridique, n’osant faire indiquer en l’occurrence les termes de « validation médicale », que personne ne saurait confondre avec « la science », et certainement pas les autorités en science juridique chargées de dire le droit devant les situations pathologiques que représentent par hypothèse les contentieux ;
— que, plus fondamental encore, la définition par la loi de catégories « de droit » pour l’usage du titre de psychothérapeute représente la privation du pouvoir assorti d’obligation d’appréciation dont dispose de droit commun l’administration en même temps qu’elle en supporte le poids ; ceci, lorsque la réunion des conditions posées exclusivement par la loi elle-même pour constater cette exception est constatée ; que la privation de ce tel pouvoir représente dans le principe l’exception de la nature précitée qui ne peut être fondée, comme en l’occurrence, que sur des dispositions de nature législative ; que, dès lors, il est prescrit d’ordre public de déduire de celles-ci le cas général, correspondant à celui du principe et obligation d’exercice de pouvoir d’appréciation par l’administration ; que ce cas général est représenté en l’occurrence par l’ensemble de ceux, non décrits comme « de droit », auxquels les dispositions de la loi ont prévu de s’appliquer, par soustraction des exceptions au principe dont elle dispose ; que nul privilège ne saurait pour autant en découler, s’agissant d’exception aux principes de la compétence administrative ; qu’il appartient dès lors au pouvoir réglementaire de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’application de la loi à cet égard comme aux autres ;
— que, la loi disposant sur le titre de psychothérapeute, laissant libre la pratique des psychothérapies, suppose comme cas général pour l’usage du titre de psychothérapeute au minimum, par hypothèse, tous ceux qui estiment pratiquer des psychothérapies, le revendiquent ou sont conduits à le laisser dire ; que l’exercice direct dans les conditions les plus courantes du pouvoir et obligation d’appréciation par l’administration ne saurait se borner à enregistrer « déclaration sur l’honneur » selon « formulaire-type », de nature à ridiculiser d’abord la préoccupation ressassée de « lutte contre les sectes », ensuite et par là ceux qui se prêteront à de telles déclarations sur « l’honneur en la matière », quoique une telle tentative démontre pour d’autres aspects de l’ensemble de la situation le régime de droit commun fondamental dit régime déclaratif ; qu’une telle modalité d’écrasement du pouvoir et obligation d’appréciation par l’administration s’articule avec les autres dispositions réglementaires illégales projetées, pour introduire « les psychothérapies » dès lors illégalement formatées de bout en bout du projet de décret ; que le détournement de pouvoir projeté n’en ressort que de plus fort ;
— que, selon rappel précité, l’administration ayant été en Commission au Sénat, solennellement par le Ministre de la Santé, votre prédécesseur M. Mattei, déclarée dans l’incapacité de fait, et décrite dans l’incompétence juridique, de définir directement les psychothérapies et leur exercice, il ne peut lui appartenir d’exercer directement comme à l’accoutumée le pouvoir et obligation d’appréciation dont elle dispose de droit commun ; qu’un précédent à cette situation se présente immédiatement, celui de Commission dite Gérolami, du nom du Conseiller à la Cour des Comptes ayant présidé à la détermination de droits relatifs aux Finances quant aux psychanalystes, devant être au préalable reconnus tels à l’effet desdits droits individuels ; que, si cette commission a été ultérieurement critiquée en substance comme semi-clandestine par Commissaire du gouvernement devant le Conseil d’État, les raisons doivent en être recherchées, alors qu’une telle commission était présidée par Magistrat à la Cour des Comptes ; que si tel était le cas de critique, quels qu’aient été les mérites du Conseiller Gérolami, une telle commission faisait suite à annulation contentieuse de mesures à caractère réglementaire, pour vérifier des situations de droits acquis individuels, selon des principes de valeur équivalente qu’il fallait articuler entre eux ; que tel n’est pas le cas pour l’application de la loi dont il s’agit devant vous, c’est-à-dire hors règlement de suites de contentieux, comme en l’espèce ; que cependant, la légitimité d’un tel organe collégial ne pouvait être pleinement assurée que par réunion préalable de conditions qui auraient dû la faire présider par Conseiller d’État, et non par Conseiller à la Cour des comptes, la question n’ayant pas été en réalité de déterminer des droits financiers, mais au préalable l’exercice d’une activité professionnelle, de quelle constatation devaient découler ipso facto droits relatifs aux Finances, et alors même que s’agissant de la loi qui nous occupe, il ne s’agit que de l’usage d’un titre, non de son éventuel exercice ;
— que dès lors, dans l’incapacité de l’administration du Ministère de la Santé et l’incompétence juridique où elle se trouve, décrite en séance solennelle de Commission au Sénat par le Ministre de la Santé, d’exercer directement le pouvoir et obligation d’appréciation où la loi la place, il appartient au pouvoir réglementaire du Premier Ministre, s’agissant de décret, de prendre sur avis du Conseil d’État, prévu par les dispositions de la loi pour l’application de celle-ci, les mesures de constitution d’un tel organe permanent, dont la forme et la procédure de constitution permette et assurent Présidence exclusivement par Conseiller d’État ; qu’en effet, la formule précitée de Commission Gérolami a fourni les preuves d’organisation de nature à formuler les raisonnements juridiques nécessaires, par travail sur les exigences du droit quant aux faits, de la part de professionnels qui hors ce cas d’organisation légitime ne peuvent, s’agissant en tout cas des psychanalystes, voir leur activité que soit déclarée, soit constatée au titre des pouvoirs publics que par les juridictions, et selon les mêmes raisonnements classiques par faisceau de motifs élaborés par celles-ci, en particulier la Haute Assemblée ; que dès lors, présidence par Conseiller d’État s’impose pour légitimité et régularité de tels travaux ;
— que, dans son inconséquence d’articulation à la loi et en toutes ses dispositions internes, le projet de décret communiqué le 10 janvier 2006 a néanmoins le mérite d’avoir fait reconnaître expressément à l’administration et revendiquer par celle-ci la légitimité de principe de régime déclaratif, par l’introduction, même à une occasion déplorable dans le texte réglementaire projeté, de la modalité de « déclaration sur l’honneur » ; qu’une telle modalité est cependant illégale en l’occurrence, comme dessus ; que cependant d’avoir été envisagée par l’administration comme dernière extrémité pour résoudre l’inconséquence de l’application envisagée de la loi, prouve combien de plus fort la seule modalité possible d’application de la loi réclame organe collégial permanent spécialisé précité ;
— que celui des arguments opposés relatif à l’absence d’adoption d’un amendement prévoyant de légiférer uniquement sur un tel organe collégial permanent spécialisé est un argument absurde, l’amendement en question n’ayant été pas un instant discuté, alors et pourrait-on même dire, que précisément les mesures qu’il prévoyait s’articulent à hauteur réglementaire avec le texte de loi adopté pour l’application des dispositions de celle-ci au cas général, duquel sont soustraites les catégories énoncées comme « de droit » ; tandis que le projet de décret communiqué le 10 janvier 2006 tend ouvertement à appliquer des versions de « petites lois » formellement rejetées au cours de débats exprès en six lectures parlementaires, et celle supplémentaire en Commission paritaire ; que dans ces conditions, l’administration du Ministère de la Santé vient d’établir elle-même de plus fort sa propre incompétence directe matérielle et juridique pour toutes les questions quant auxquelles M. le Ministre, votre prédécesseur M. Mattei, avait doublement réfuté cette compétence avancée par le M. le Président de Commission au Sénat.
Il en découle, Monsieur le Ministre, qu’au cas où cette argumentation ne retiendrait pas assez votre intérêt, il me paraîtrait convenable qu’elle fût communiquée par vos soins au Conseil d’État dans le cadre de procédure d’avis sur décret projeté à prendre par le Premier Ministre. En effet, la qualité de psychanalyste, si ce peut en être une, ne me permet pas de considérer l’avantage de réserver ou laisser réserver à hauteur de contentieux les questions qu’il serait imaginé ne pas être soumises au Conseil d’État en matière d’avis, à propos d’une loi si mal lue en un domaine aussi mal traité jusqu’à votre prise en charge personnelle du dossier d’application.
Enfin, je me laisse dire que des considérations de droit ayant pour origine les Communautés-Union européenne pourraient avoir des incidences sur le régime de droit public français en la matière. Mais je me laisse dire aussi que la réglementation du secteur de la Santé est réservée aux États, sans pour autant pouvoir porter atteinte délibérée à la libre installation professionnelle pour la plupart des professions ou titres reconnus par les États, à formation reconnue équivalente. Il ne semble dès lors se présenter aucun obstacle à une application correcte de la loi française, quels que soient quant à celle-ci les considérations personnelles alors que la gravité exceptionnelle de teneur de projet de décret vous a, je l’espère, me semble-t-il, amené à vous saisir directement de l’application de la loi. Je pense que des échanges positifs vous permettraient de m’éclairer sur ces points européens au moins aussi précisément que l’Administration du Ministère de la Santé méritait d’être éclairée sur les autres.
Selon votre décision communiquée au public de recevoir avis des parties concernées par l’application de la loi, la qualité en termes précités en laquelle je m’adresse à vous n’étant pas au nombre des intérêts du commerce et de l’industrie, mais une en laquelle la supposition de négociations avec l’autorité exécutive de l’État serait de nature à détruire la confiance des patients, analysants ou analysés, selon les variantes de termes consacrés par l’usage, et plus généralement la confiance du public, sans parler de celle des collègues, je ne peux que souligner, au risque de l’évidence, que la présente ne saurait revêtir d’autre caractère que celui de lettre ouverte, rendue publique par hypothèse même.
Vous sachant gré de l’attention que vous voudrez accorder à la présente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée.
René Major