Eric Favereau s’entretient avec Christine Bellas-Cabane pour Libération (6-02-2007)
Christine Bellas-Cabane préside le Syndicat national des médecins de PMI (protection maternelle et infantile). Avec quelques autres, elle avait été à l’origine de la pétition «Pas de zéro de conduite», qui dénonçait la volonté de certains, dont celle de Sarkozy, de vouloir instituer un dépistage précoce des troubles de l’enfant, allant jusqu’à lier ces troubles à de futures conduites délictuelles. Plus de 200 000 personnes l’ont signée. A la veille de la publication de l’avis du Comité national d’éthique sur cette question, Christine Bellas-Cabane revient sur cette mobilisation passée, et toujours présente.
Alors, vous avez gagné ? Ce fut et c’est, en tout cas, un mouvement qui fera date. Il a entraîné des réactions en série. Nous avons lancé cette pétition il y a un an. Elle a permis qu’un débat qui était alors confiné dans les débats entre professionnels s’ouvre et déborde dans la sphère publique. Tout le monde a été mis au courant de ce qui se tramait. Ensuite, cela a provoqué un décloisonnement interprofessionnel. Des médecins de tous horizons se sont unis pour défendre une éthique de la profession. C’était une urgence, car établir dans un projet de loi un lien entre troubles de la conduite et délinquance était inacceptable.
Finalement, ce lien a été retiré…
Tout à fait. Juste avant notre colloque, en juin dernier, le ministre de l’Intérieur nous a appelés. Et il a pris la mesure de notre mobilisation, car il nous a dit que l’article en cause dans le projet de loi de la prévention de la délinquance était retiré. Mais ce n’est pas notre seule victoire. Un des points de départ avait été l’expertise collective de l’Inserm (1) qui préconisait un dépistage très précoce. Vu les critiques, l’Inserm a donc organisé une rencontre, au cours de laquelle le ministre de la Santé a défendu une vision de la prévention qui soit globale et ouverte, et non pas enfermée sur des grilles et des chiffres. Car le symptôme n’est pas un trouble, mais un révélateur. Et cette attitude a été entendue, y compris par l’Inserm, qui a décidé de modifier les règles de ces expertises collectives, en faisant des phases publiques et en ouvrant le collège des experts.Vous n’avez donc plus de craintes ? Il en reste. Le collectif s’est encore réuni le 20 janvier, et a décidé de poursuivre, de rester vigilant. L’Inserm va bientôt rendre une expertise sur les troubles de l’apprentissage : nous voulons être présents. De plus, dans le texte de loi sur la prévention de la délinquance, des points continuent de nous inquiéter. Ainsi, le législateur veut systématiser un entretien médico-psychologique avec les femmes enceintes, à quatre mois de grossesse. Cette systématisation nous paraît comme une mesure de contrôle social, inutile et inquiétante. De plus, l’article 5 de la loi fait du maire le référent de tous les acteurs sociaux, ces derniers devant lui signaler toutes les personnes en difficulté. Cela nous paraît inacceptable. Il nous faut rester en alerte.