L’Institut pour l’Histoire et la Mémoire des Catastrophes (IHMEC) vient d’ouvrir le site www.memoiredescatastrophes.org. L’IHMEC a pour objet de « travailler sur la mémoire des événements qui ont été perçus sur les territoires comme des catastrophes, que leur origine soit naturelle sanitaire, technologique ou économique, en France comme à l’étranger, afin de favoriser leur réappropriation et la résilience des générations futures ». L’objectif du site www.memoiredescatastrophes.org est que chacun puisse y déposer des témoignages écrits, des photos, ou des enregistrements audio ou vidéos autour de catastrophes vécues par lui-même ou par ses proches. Il est soutenu en France par  le Ministère de l’environnement, du développement durable, des transports et du logement.
Cette banque de témoignages est un projet original en Europe et un progrès important dans le développement au sein de notre société d’une culture partagée du risque, et aussi d’une plus forte résilience collective et individuelle face aux catastrophes.
Chaque catastrophe a en effet une Histoire : c’est la tentative de reconstituer le passé au plus près de la réalité. Mais elle a aussi de multiples mémoires : ce sont les expériences vécues, et parfois en partie imaginées, des témoins et des protagonistes du drame. Mémoires et Histoire sont dans un échange permanent. L’Histoire officielle permet de créer une mémoire collective qui échappe au risque de l’oubli, tandis que les multiples mémoires individuelles lui donnent le poids de souvenirs et d’émotions qui la rendent vivante. La première est en quelque sorte l’ossature du souvenir tandis que les secondes sont ses muscles et ses nerfs. Autant dire que leur articulation est indispensable. A défaut, les multiples mémoires individuelles risquent de privilégier le factuel et l’exceptionnel aux dépends d’une vision plus large. Quant à l’Histoire officielle, elle est menacée de passer sous silence les mémoires individuelles qui ne s’y rattachent que partiellement, voire qui la démentent, et elle peut à la limite fragiliser la cohésion sociale en donnant l’impression à certains membres de la communauté que leur histoire à eux en est absente.
Mais dans le domaine des catastrophes et des traumatismes qui leurs sont liés, les mémoires individuelles ne contribuent pas seulement à nourrir l’Histoire. Elles participent aussi à la résilience des générations actuelles et futures, c’est à dire à leur capacité de faire face à des drames dont on sait aujourd’hui qu’ils sont inévitables. La connaissance des événements du passé et les échanges intergénérationnels autour d’eux sont en effet une clé essentielle de la capacité de nos enfants à surmonter les aléas du futur en leur permettant de prendre conscience de leurs possibilités et de se penser comme acteur en lien avec les autres. Elle participe de cette façon à ce que la résilience porte de meilleur : la confiance en soi et dans le monde, sans exclusive.
En accueillant tous les témoignages sans souci de vérifier leur authenticité, le site www.memoiredescatastrophes.org prend en compte le fait que la mémoire n’est pas que devoir, mais aussi invention, et que son rôle principal est moins de commémorer des morts que de créer de liens entre les vivants de façon à organiser un avenir différent.
Cette banque de témoignages se veut enfin un support pour des démarches d’éducation et d’enrichissement culturel et citoyen. Il facilitera les travaux de recherche et l’édition d’ouvrages et de productions vidéo de façon à construire une politique de prévention dans laquelle chacun soit un acteur informé.
C’est maintenant à chacun de s’en emparer.