Mon corps et ses images, J.D. Nasio, 263 pages, Editions Payot, collection Désir, 17,10€
Le dernier livre de J-D Nasio, « Mon corps et ses images » crée des liens entre les théories de Françoise Dolto, de Jacques Lacan et de Sigmund Freud. Les personnes sensibilisées à la psychanalyse peuvent y revisiter la richesse et la complexité que recouvrent les concepts d’Image Inconsciente du Corps (Françoise Dolto), du corps réel, imaginaire et symbolique (Jacques Lacan), et du moi (Sigmund Freud).
J.D. Nasio annonce : « tout être humain a le désir de communiquer ».. Or, « le corps est langage », disait F.Dolto. On se souvient de cet exemple clinique, lorsque Françoise Dolto eut les mots pour le dire en s’adressant à une petite fille phobique du toucher : « Tu peux prendre avec ta bouche de main ». Alors la petite fille put se saisir avec la bouche de la pâte à modeler. L’auteur offre aussi son expérience de psychanalyste avec la petite Clara, un jeune bébé qui devait « porter » sa mère ; aucune des deux ne pouvaient trouver le repos, et le clinicien sut trouver les mots « vrais » pour apaiser leur relation.
Seules des images investies sur le plan affectif, acoustique, olfactif, gustatif (cf. la madeleine de Proust) sont des images fortes. Notre inconscient est fait d’un kaléidoscope d’images, et celui-ci se révèle à condition d’avoir été dévoilé en analyse (travail sur les rêves ; l’enfant peut lui aussi faire vivre son inconscient dans son dessin spontané, et parlé, commenté par lui).
Dans la relecture de la théorie lacanienne, on retient entre autre que le corps réel est la force qui anime un corps, ce corps amené à vieillir. « La vie ne se développe qu’en se dévorant elle-même », nous dit J.D. Nasio
Le corps imaginaire fait référence au stade du miroir (lorsque l’enfant se voit comme un corps différent de l’autre entre 6 et 18 mois), stade introduit par Jacques Lacan. Les mots de l’adulte qui accompagne cette expérience donne une couleur affective particulière. « Tu vois, c’est toi, tu es un beau bébé… ».
J. D Nasio parle selon moi avec justesse de triangulation : l’enfant, son image, et l’adulte. Cette étape participe de l’affirmation de soi, du sentiment d’être soi.
Le corps symbolique, ô combien utilisé, produit des effets sur la réalité d’une personne. Un trait physique peut véhiculer une image figée (ex : le long nez de Cyrano).
Ce livre ré-ancre le corps dans la théorie freudienne en définissant le moi comme Image du corps. Il apporte un nouvel éclairage du moi chez Lacan.
La lecture de ce livre est agrémentée de schémas qui imagent ces différents concepts, en les dynamisant dans leurs inter-actions (voir par exemple le rôle de la libido).
Enfin, J. D Nasio ouvre-t-il son écrit sur les « archipels Lacan et Dolto », comme autant de mondes inconnus à (re)découvrir.
N’est-il pas ambitieux d’essayer ici de synthétiser des pensées aussi riches que celles élaborées par J.D. Nasio. Il les manie avec aisance et nous fait partager sa passion de la psychanalyse, en l’élevant à sa juste valeur, en la défendant « corps et âme ».
En tant que professionnelle à l’écoute des enfants, dont certains ne s’expriment que par le corps, la théorie psychanalytique nourrit ma pratique. Toutes deux sont en relation bijective.
La densité de ce livre nous ouvre sur le désir de continuer à chercher ce rythme de danse entre la théorie et la pratique.
Maïté Lafourcade