L.D. | La Libre | 15-09-2005
Les psychiatres, orientés par la psychanalyse et la psycho-dynamique, mettent en garde contre cette tendance.
Face à un discours psychiatrique qui tend à médicaliser à outrance le psychisme humain et à exclure tout autre discours, tel celui de la subjectivité du patient, le POPP, pour Psychiatres Orientés par la Psychanalyse et la Psycho-dynamique, a exprimé son ras-le-bol.
Dans un «Manifeste pour la psychiatrie», envoyé en juin à 800 confrères du pays, dont 220 ont déjà manifesté leur soutien, les psychiatres co-signataires s’insurgent contre «un discours qui médicalise toute pathologie, de la dépression à l’autisme en passant par les troubles obsessionnels compulsifs (Toc), qu’il est commun de traiter par des psychotropes dès le plus jeune âge».
Cette tendance résulte de la conjonction de plusieurs facteurs: les attentes actuelles du patient pour qui la condition humaine devrait voir disparaître toute souffrance, l’influence de certains médias qui font correspondre à chaque mal-être une réponse médicamenteuse ou encore la pression de l’industrie pharmaceutique.
Pluralité des courants de pensée
Ce «Manifeste pour la psychiatrie» est «une riposte avant le scoop (ndlr: «Le Livre noir de la psychanalyse», voir ci-dessus)», nous confie Jean-Pierre Lebrun, un des auteurs, « les signataires du Manifeste estiment qu’une grande part de leur travail ne peut pas se résumer à des opérations techniques de style prescription médicamenteuse ni à des actes qui ont immédiatement un rapport d’efficacité. Ces psychiatres sont, de plus en plus souvent, confrontés à des patients qui, en raison de l’évolution de la société, expriment des demandes de plus en plus revendicatrices. Ils présentent un symptôme, veulent le cibler, lui donner un nom et trouver une réponse.
Pour notre part, nous estimons que cela ne constitue pas la seule façon de fonctionner en psychiatrie. Nous espérons qu’une longue tradition de psychiatrie, française et allemande, ne disparaisse pas dans la moulinette de l’exigence de l’efficacité techno-scientifique.
Cela dit, ce n’est ni un Manifeste contre l’usage des médicaments lorsque ceux-ci sont adéquats, ni contre le recours aux thérapies comportementales s’il est réalisé dans un certain cadre. Mais nous redoutons qu’il n’y ait plus de place pour la complexité de la subjectivité.»
Le message est clair: «le POPP n’exclut pas la pluralité des courants de pensée, mais il rejette la dictature de la pensée unique simpliste».
Prochaine étape, le 24 septembre, une assemblée générale, accueillant les signataires francophones mais aussi néerlandophones (500 exemplaires du document ont été envoyés en Flandre) du Manifeste, sera organisée afin de constituer une association de fait. Les psychiatres, désireux de changement, espèrent un débat de fond avec leurs collègues mais aussi avec le public, les autorités, les médias et l’enseignement.