Les journalistes aiment les ouvrages écrits par les journalistes. C’est normal, ils y retrouvent tout de suite ce qu’ils ont appris sur les bans de leurs écoles. Est-ce pour cela qu’un nombre de plus en plus grand de psys ont recours à eux pour écrire à leur place leurs livres ? Quoiqu’il en soit, leur style se rapproche de plus en plus d’une norme commune, qu’on pourrait appeler le « nov style », en référence à la « nov langue » des régimes totalitaires. Dans sa forme complète, ce style se décompose toujours de la même façon. D’abord une anecdote de quelques lignes – ou une référence à un article de presse – évoque un fait divers. Il s’agit de la mise en bouche destinée à faire saliver la glande à émotions des lecteurs. Ensuite, quelques chiffres sont destinés à montrer que l’anecdote était révélatrice d’un phénomène général, et qu’elle était donc utile et bien choisie. Vient ensuite l’évocation d’une situation clinique, racontée en première personne, qui conforte évidemment la pertinence de tout ce qui précède, puis une seconde, qui peut apporter une idée légèrement différente, mais assez peu pour que le lecteur soit toujours agréablement bercé. Dans le « nov style », l’ensemble des enchaînements peut se résumer d’une seule phrase : « Comme je vous l’ai déjà dit » ! C’est peu dire qu’on soit loin du discours par « thèse, antithèse et synthèse » cher aux anciens. Chaque chapitre joue sur la succession « Micro, Macro, Ego » : une anecdote, une statistique, une observation clinique à la gloire de l’auteur. Jusqu’à la nausée… et pour le plus grand bonheur des fans. Les recettes des politiques, des people et des psys médiatiques sont les mêmes. Le problème est que si elles conviennent aux premiers, les psys feraient bien de se demander si elles leur conviennent à eux aussi. Le « nov style » est à sa façon totalitaire. Conçu à l’origine par des journalistes de magazines, il ignore le contradictoire puisque la diversité est censée être donnée par la juxtaposition d’articles d’orientations différentes. Mais, dans le livre de l’auteur virtuel, l’auteur ne se succède qu’à lui-même. Ce n’est plus le « ou bien, ou bien », mais le « toujours plus ». Et c’est même souvent le « à la fois, à la fois ». Partant du principe que le lecteur oublie au fur et à mesure ce qu’il lit pour se rendre disponible à l’article suivant, le journaliste de presse n’hésite pas en effet à contredire un chapitre par un autre. Qu’importent les contradictions pourvu qu’on ait le succès !