Antoine de Gaudemar | Liberation [Editorial]| 17-09-2005

La guerre des psys est aussi vieille que la psychanalyse.

Une guerre de cent ans, pendant laquelle toute une partie de la psychiatrie officielle, et, plus tard, des psychothérapeutes moins officiels, a constamment dénoncé la théorie freudienne et ses thuriféraires. En France et en Amérique latine, les psychanalystes ont mieux résisté qu’ailleurs, où des approches plus pragmatiques, habilement présentées comme scientifiques, ont pris le dessus. Grâce à quelques figures tutélaires (Lacan, Leclaire, Dolto), les psys ont longtemps exercé ici une domination intellectuelle et sociale, sans doute excessive, qui leur a valu bien des haines. Affaibli entre autres par son opacité et des querelles intestines assez inaudibles, ce magistère du divan est aujourd’hui la cible d’attaques renouvelées, notamment de la part des tenants de thérapies plus dans l’air du temps. La charge pamphlétaire du Livre noir de la psychanalyse en est le dernier épisode. Ce n’est pas qu’une bataille théorique ou idéologique, c’est aussi une guerre de territoire, économique et sociétale, où tous les coups sont donc permis : désormais, on démolit le père fondateur de la théorie, Freud en personne, traité de menteur et d’escroc. Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Dans ce climat de rare passion, des psychiatres et des psychanalystes continuent de travailler ensemble, et de chercher à comprendre, pour les soulager, toutes les formes psychiques de la souffrance humaine. Heureusement.