Résumé des Œuvres complètes de Freud, Tome III. 1914-1920, sous la direction de Laurence Joseph et Céline Masson, Editions Hermann, 2008.
La collection « Psychanalyse » des Editions Hermann poursuit avec le Tome III, la très utile publication, à l’intention des spécialistes comme à celle des passionnés de la psychologie des profondeurs, du Résumé des Œuvres complètes de Freud. Le fond de l’exercice demeure inchangé mais les auteurs principaux, toujours entourés de la même équipe de cliniciens et d’enseignants de la psychanalyse, ont sensiblement amélioré la qualité de la présentation : clarté dans l’organisation des chapitres, différenciation et taille adéquates des polices d’écriture, bref, une meilleure visualisation pour des textes majeurs et des correspondances toujours aussi éclairantes à l’usage de ceux, comme l’écrit Céline Masson, « qui veulent rester freudien ». Une note nettement plus engagée qu’à l’accoutumée rappelle les risques véritables susceptibles d’altérer « la clinique » à l’heure d’une politique de santé mentale « qui perd de vue, pour des raisons économiques, le sujet de l’inconscient ».
Ce volume qui s’ouvre en 1914 et s’achève en 1920 ne comprend pas « Au-delà du principe de plaisir » dont il ne fait qu’annoncer l’irrépressible gestation. Cette période prend en compte les méfaits de la « grande guerre » sur l’environnement politique et social où s’origine indirectement une part de la pensée freudienne : elle fournit l’occasion d’une relecture, toujours aussi pénétrante, même à un siècle de distance, des « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort » de 1915 et du « Deuil et mélancolie » de 1917. Dans cet environnement particulier, les scissions consommées avec certains de ses fidèles, ou de ses successeurs pressentis, amènent le fondateur de la psychanalyse à écrire « Pour introduire le narcissisme » – une réponse aux théories adlériennes de la « protestation masculine » comme « Totem et Tabou » constitua en 1912 une réplique aux idées de Jung sur l’inconscient collectif -, réflexion qui esquisse la future mise en place de la psychologie du Moi et permet de concevoir la seconde « topique » freudienne. Enfin, et toujours dans le sillage du premier conflit mondial, cette époque signe l’arrivée des premières femmes dans la psychanalyse : en premier lieu, sa fille Anna dont l’analyse, « réussie » confiera-t-il un jour à Jones, préfigure la reconnaissance de la place des analystes femmes et, ensuite, Lou Andreas-Salomé dont le statut privilégié d’analysante et de confidente contribuera également à renouveler l’intérêt porté à la sexualité féminine dans les travaux analytiques. Les deux femmes engagèrent d’ailleurs une correspondance dont les premiers échanges -connus- remontent à décembre 1919.
On s’amusera ponctuellement à redécouvrir, en ces temps de mariage annulé pour « défaut de qualité essentielle », le petit texte sur « le tabou de la virginité », inclus dans les troisièmes « Contributions à la psychologie de la vie amoureuse » de 1918 ou, sur le plan de la technique, et au travers de la relation de « l’homme aux loups » (1918), le rappel de l’importance des analyses « courtes et réussies ». Un volume toujours enrichi de nombreuses et intéressantes correspondances, avec Ferenczi ou Abraham, lesquelles montrent un « père » de la psychanalyse en apparence débarrassé de la question tourmentée de sa succession et à même, en conséquence, de vaincre la perspective de la mort : Freud était en effet convaincu de ne pas survivre à la première guerre mondiale. Une mort dont il parvient finalement à cerner, voire apprivoiser, les « pulsions », à en extraire le suc théorique pour en faire le miel de sa doctrine à venir sur l’antagonisme entre Eros et Thanatos.
Nice, le 10 juin 2008