Le rapport d’expertise de l’INSERM préconisant le dépistage des « troubles des conduites » chez les jeunes enfants (Le Monde du 23 septembre 2005) a provoqué un large débat sur le risque d’une dérive des pratiques de soin psychique vers des fins normatives et de contrôle social. En revanche, si les méthodes d’intervention proposées par le rapport de l’INSERM ont été justement condamnées, les formes de souffrance psychique des jeunes enfants qu’il a mises en avant existent bel et bien. Dès l’âge de trois ans, les enfants d’aujourd’hui ont déjà des profils psychologiques marqués : certains se perçoivent plutôt comme des dominants et des agresseurs potentiels, d’autres comme des victimes craintives et d’autres encore comme des redresseurs de torts. Ces profils sont sous la dépendance de nombreux facteurs, mais les programmes télévisuels qui stressent les enfants et les confrontent à des surcharges émotionnelles importantes – notamment au moment des actualités télévisées – renforcent très vite ceux ci. Un enfant qui a tendance à se percevoir comme agresseur est incité à renforcer ce rôle de manière à se rassurer face à un monde audio visuel qui l’angoisse, tandis que celui qui se sent victime a tendance à se sentir de plus en plus menacé.

L’introduction du jeu de rôle dès la maternelle pourrait s’opposer à cette tendance. Il existe en effet une corrélation directe entre la capacité de « faire semblant » et le pouvoir de surmonter la frustration des situations décevantes : mieux cette capacité est établie et plus l’enfant est à même de gérer les situations pénibles sur un mode indirect, celui du jeu. En outre, le jeu de rôle permettrait de lutter contre la tendance des enfants à adopter précocement des comportements qui s’auto renforcent en les invitant à changer successivement de rôle : ils seraient conviés à jouer l’agresseur, la victime et le redresseur de tort à tour de rôle. Ceux qui ont tendance à s’enfermer dans certains profils – notamment la peur et l’agression – ne seraient ainsi pas stigmatisés, mais invités à éprouver d’autres positions possibles et d’en sortir. Ils pourraient plus facilement se décoller des identifications enkystées. Les enfants qui tendent à se fixer dans un profil de victime seraient invités à s’en dégager, tout comme ceux qui tendent à se fixer dans un profil d’agresseur apprendraient à éprouver de l’empathie pour les victimes de (leur) violence* .

* Ce jeu de rôle pourrait être animé par les professeurs des classes maternelles  – par exemple une ou deux fois par semaine – à condition d’une formation et d’un encadrement spécifique.