La presse et Internet se font l’écho d’une polémique qui accompagne le livre de la journaliste Daniela Lumbroso: "Françoise Dolto, la vie d’une femme libre"

L’Express évoque "un livre carricatural et truffé d’erreurs. Les perles se ramassent à la pelle dans ce livre (…) L’auteure de mégote pas sur les ‘j’imagine’ ou ‘gageons que’ pour combler les vides d’une vie activement reconstituée et saupoudrée de pathos."

Le Parisien est plus cruel: "Lecture faite, on s’aperçoit qu’en s’attaquant à la vie de Dolto, Danièla Lumbroso s’est retrouvée dans la même situation qu’un cycliste du dimanche désireux de se lancer dans l’ascension du Tourmalet avec un tricycle." 

Un membre du Comité scientifique Archives Dolto affirme : " Par manque de culture et de connaissance, ce livre fait de Françoise Dolto une marionnette gentille, romantique, bondieusarde et qui accomplit des miracles. Il met en péril l’image d’une grande intellectuelle qu’était Françoise Dolto."

La fille deFrançoise Dolto parle: "D’un objet hallucinant, rempli d’assertions fausses et de contre sens énormes."

De son côté Daniela Lumbroso explique: "Ce n’est pas du tout un livre exhaustif et pointu que j’ai voulu faire. C’est un travail de journaliste sur une femme extraordinaire à destination du grand public !"

Dans Le nouvel Observateur (29/03/2007) Caroline Eliacheff*  répond à Daniela  Lumbroso:

Du paradis où elle réside depuis le 25 août 1988, Françoise Dolto réplique à l’animatrice de télé, qui vient de lui consacrer une biographie pleine d’erreurs

Chère Daniela Lumbroso,

Comme dans la biographie que vous venez de me consacrer vous n’hésitez pas à m’attribuer des miracles, vous ne serez pas surprise que je vous fasse parvenir cette missive. J’aurais préféré rester silencieuse mais l’émotion, tout à fait exagérée, suscitée par vos écrits auprès des personnes que j’aime et que j’estime le plus sur la terre m’incite à intervenir pour leur permettre de penser à autre chose…

Vous évoquez d’emblée la consultation que j’ai donnée à votre mère quand vous aviez 15 ans : me voici donc délivrée du secret professionnel. Je l’ai effectivement rassurée à votre endroit, mais n’ai-je pas eu tort ? N’aurais-je pas dû la mettre en garde contre votre imagination délirante ? Je n’avais pas prévu qu’elle vous jouerait de tels tours… Je n’étais pas médium, mais psychanalyste ¯ un mot, il est vrai, dont le sens semble vous échapper.

Dresser la liste de vos erreurs serait fastidieux. Elle est longue, car vous vous égarez dans tous les domaines : ma vie privée (à propos de laquelle j’ai pourtant laissé nombre d’archives et de récits !), mes théories (que vous auriez pu trouver sans grande difficulté dans mes livres !) et ma pratique…
Ayant retrouvé mon ami Donald Winnicott avec qui je partage de bons moments, je ne peux quand même pas vous laisser dire que j’ai inventé le doudou ! Ce sont les enfants qui l’ont « inventé » et Donald qui en a fait la théorie, tandis que j’ai eu à coeur au contraire d’en débarrasser nombre de petits patients qui ne savaient plus quoi en faire tant leur mère y était attachée. En revanche, j’ai bien « inventé » la poupée-fleur, mais pas du tout dans les circonstances que vous décrivez ! Dois-je ajouter que Jacques Lacan a été vexé lorsque vous prétendez que la passe a été un «jeu» pour lui ? Vu d’ici, il s’en remettra sans peine…

Et, Dieu merci (c’est le cas de le dire !), Mère Teresa n’est pas jalouse : vous m’attribuez à peu près toutes ses qualités ! D’une assiduité aux offices que je n’ai jamais pratiquée à une bonté si débordante que, dites-vous, elle aurait pu me gêner dans l’exercice de ma profession… Tous ceux qui m’ont connue pourront vous rassurer : ce n’était pas le cas. Je n’ai fait aucun miracle, et ma canonisation n’est pas à l’ordre du jour.

Mais je ne voudrais pas vous gronder trop car je dois vous avouer que j’ai bien ri en vous lisant… Lorsque j’étais en vie, je regardais peu la télévision, mais j’ai entendu parler de ces fictions tirées de faits divers ou de personnages réels. Vous en êtes-vous inspirée ? On le croirait sans peine… Franchement, la façon dont vous décrivez ma rencontre avec Boris, mon cher mari, (moi Wendy et lui Prince Vaillant), tombant amoureux au premier regard, est digne d’« Amour, Gloire et Beauté » ! Et quand vous m’imaginez prenant des bains de soleil, moi qui avais horreur de ça, auprès de mon chalutier préféré (car vous m’attribuez même un chalutier), c’est carrément Hollywood !
Je sais que les choses ont bien changé depuis que je suis partie : on ne m’écoute plus comme avant. Mais je ne peux m’empêcher de vous parler vrai : je ne suis pas celle que vous croyez ! Un conseil : faites donc de la télévision !


Célestes salutations,
Françoise Dolto

Laissons le mot de la fin aux commentaires sur Internet, par exemple celui de  fab75 ( 23/03/2007 à 11h15) Suis vraiment mort de rire! C’est quoi cette polémique à 2 balles? Depuis quand Daniella Lumbroso est ecrivain? Franchement fallait pas s’attendre à un chef d’oeuvre de la part de cette potiche de la télé! C’est comme si on me disait que Steevy venait d’ecrire un livre sur le general de gaulle (…)


(*) Pédopsychiatre, fille de Françoise Giroud, Caroline Eliacheff est notamment l’auteur de « Mères-filles, une relation à trois » et de « Vies privées. De l’enfant roi à l’enfant victime ».

 


[Mise à jour Mai 2007]

Francoise et Daniela par Alain Rubens

Paru dans Lire, mai 2007

Selon Daniela Lumbroso, les critiques faites à sa biographie de Françoise Dolto ne seraient dues qu’au sectarisme de l’intelligentsia. En vérité, ce n’est pas la journaliste qui est en cause, mais la justesse de son propos.

Enveloppée de son aura médiatique, Daniela Lumbroso joue l’offensée face aux réserves que soulève sa biographie de Françoise Dolto. L’animatrice de télévision, ancienne responsable du service culture de LCI, a reçu tout le gratin intellectuel parisien. Mais s’autoriser de ses fréquentations pour dénigrer la critique relève du simple argument d’autorité. S’il fallait s’attarder sur une seule erreur, celle-ci (p. 170): s’efforçant de résumer la pensée de Melanie Klein à propos du nourrisson, Daniela Lumbroso attribue à ce dernier un «surmoi cruel». Comment un nouveau-né souffrirait-il du «surmoi», dont on sait qu’il ne se cristallise qu’au bout d’un certain temps, dès lors que le bébé est soumis aux interdits portés par la langue?

S’il fallait ne relever qu’une seule approximation, celle-ci (p. 178): Daniela Lumbroso signale l’existence d’une sœur de Jacques Lacan, Madeleine, ajoutant qu’elle serait entrée dans les ordres (à l’instar de leur frère, Marc, dominicain). Las! le tournant de sa vie a été son mariage avec Jacques Houlon.

Ce n’est pas parce qu’on fait de la télé qu’on est bête, proteste la journaliste. Bien sûr que non! Mais l’intimidation anti-intellectuelle est insidieuse. Si la Mère Denis – chaleureuse icône publicitaire des années 1970 – avait fait une bonne biographie d’un grand de la psychanalyse, les critiques l’auraient louangée. Plus sérieusement, le journaliste Pierre Rey, longtemps directeur de Marie Claire, dans Une saison chez Lacan (Robert Laffont), a campé le portrait inégalé d’une cure avec le maître. Catapulté en «Lacanie» comme en terre étrangère, Pierre Rey a été, tout simplement, royal. Un magnifique travail de non-spécialiste.

Et puis il y a ce ton, chez Daniela Lumbroso, d’une familiarité désarmante à chaque page: «notre Françoise», par-ci, «notre psychanalyste», par-là. La journaliste est fascinée par la haute figure de Dolto, c’est incontestable. Mais imagine-t-on un biographe donner du Jean-Paul ou du Martin à Sartre ou à Heidegger? Etre à tu et à toi avec le professeur Freud? Les distances sont faites pour être observées et le journaliste n’est qu’un passeur qui gagne à garder le cap, sans ridicule familiarité ni courbettes serviles.

Récemment sur France Culture, Daniela Lumbroso prenait la pose de la persécutée. A l’instar de Françoise Dolto, récusée par Anna Freud – l’œuvre de la Française n’est, en effet, pas traduite en anglais -, l’animatrice disait être en butte à l’hostilité d’une poignée de psychanalystes, forcément sectaires, congelés dans la froideur du concept. Tout cela porte un nom: perversité intellectuelle, laquelle consiste à désarmer la critique en inversant les positions. A ce jeu, le «bourreau» devient la victime et la victime exhibe, à la radio comme ailleurs, le préjudice infligé. Cocasse pour une biographe qui brille par la compilation systématique. Peut-elle nous convaincre que son ouvrage apporte une lecture fiable, des informations inédites ou un nouvel éclairage?

Fort heureusement, les lecteurs curieux ont de la chance. Françoise Dolto aura été une plume prolixe. Le plus sûr est de la rencontrer à travers ses œuvres. Pour l’histoire de sa vie, reportons-nous aux deux tomes de sa Correspondance (Gallimard) ou à l’Autoportrait d’une psychanalyste (1934-1988) (Seuil). Signalons la prochaine parution de l’excellent ouvrage de Gérard Guillerault, Dolto/Winnicott, le bébé dans la psychanalyse (Gallimard), qui répond à la vraie question doltoïenne: comment le bébé devient-il une créature adulte qui tient debout? Quant à la grande biographie du centenaire de la naissance de Françoise (1908), qu’on se rassure: à son tour, ce livre très attendu sera jugé sur pièces.
 

 


[Mise à jour du 16/05/2007]

Daniela Lumbroso : procès le 11 juin

 

Sonia Ouadhi|TéléActu |16-05-2007

Le procès qu’intente l’animatrice télé à la fille de Françoise Dolto vient d’être fixé au 11 juin prochain.Suite de l’affaire de la biographie de Françoise Dolto. Le procès qu’intente Daniela Lumbroso à la fille de Françoise Dolto, Catherine Dolto, vient d’être fixé pour le 11 juin prochain. La présentatrice télé poursuit la fille de la célèbre psychanalyste pour "injures non publiques" et réclame 20 000 euros de dommages et intérêts et 3000 euros de frais de justice. Daniela Lumbroso a sorti une biographie non autorisée de Françoise Dolto, ce qui ne serait pas au goût de sa fille, Catherine. Cette dernière avait déjà demandé à l’animatrice de France 2 de ne pas publier son oeuvre, car une biographie était en préparation depuis plus de deux ans.

Voyant une forte médiatisation de Daniela Lumbroso à ce sujet, Catherine Dolto aurait envoyé un mail insultant sur la pauvre Daniela à toute la presse, lui demandant de la censurer. Catherine Dolto est donc attendue devant les tribunaux par Daniela Lumbroso, qui viendra régler ses comptes. Cette dernière a publié, le 15 mars dernier, "Françoise Dolto : la vie d’une femme libre". Une publication qui a visiblement saboté tous les plans de promotion de la famille Dolto, qui souhaitait sortir une biographie prochainement. Par ailleurs, elle affirme que certains points de la biographie seraient totalement inventés.

 

Mise à jour du 11.06.2007

Catherine Dolto accusée d’injure par Daniela Lumbroso [nouvelobs.com ]

La relaxe a été requise lundi à l’encontre de la fille de Françoise Dolto, poursuivie par Daniela Lumbroso pour "injures" proférées dans un courriel. L’animatrice est l’auteure d’une biographie non autorisée de la célèbre psychanalyste.
 
Aucune peine n’a été requise lundi 11 juin contre Catherine Dolto, fille de la célèbre psychanalyste, poursuivie devant le tribunal de police de Paris par l’animatrice Daniela Lumbroso, qui lui reproche des "injures" proférées dans un courriel, en janvier. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 10 septembre.
Au cours d’une audience où les deux protagonistes étaient représentées par leurs avocats, l’officier du ministère public, M. Robert, a estimé que la fille de Françoise Dolto devait "bénéficier de l’excuse de provocation". Il a jugé qu’on ne pouvait lui reprocher d’avoir traité Daniela Lumbroso de "canaille prétentieuse", eu égard au contenu litigieux de la biographie non autorisée de la célèbre psychanalyste que vient de publier l’animatrice de télévision.
"Catherine Dolto a réagi à un ensemble de faits, a pu considérer que le livre lui-même était insultant pour la mémoire de Françoise Dolto, elle doit bénéficier de l’excuse de provocation", a déclaré M. Robert.

"Pillage éhonté"

Il s’exprimait après l’avocat de Catherine Dolto, Me Dominique de Leusse, qui a affirmé que le travail de Daniela Lumbroso s’appuyait sur "un pillage éhonté de tout ce qui se trouvait dans les mémoires de Françoise Dolto". L’animatrice a publié à la mi-mars le livre "Françoise Dolto : la vie d’une femme libre" (Plon).
Le 31 janvier 2007, Catherine Dolto avait envoyé à "plusieurs journalistes et chefs de rédaction", selon Daniela Lumbroso, un courriel dans lequel elle confiait son "dégoût" à propos du livre non autorisé et qualifiait son auteure de "médiocre présentatrice de télévision" et de "canaille très prétentieuse".

20.000 euros de dommages et intérêts réclamés

"Je voulais juste que vous le sachiez et le fassiez savoir le plus possible auprès des journalistes que vous connaissez (…) qu’on lui tende le micro le moins possible", concluait le courriel.
Daniela Lumbroso réclame pour "injures non publiques" 20.000 euros de dommages et intérêts, selon son avocat Me François Zimeray, qui a fustigé lundi l’"intention de nuire" de la partie adverse. De son côté, Catherine Dolto demande 4.500 euros pour ses frais de justice.
La psychanalyste Kathleen Kelley-Lainé prépare "d’arrache-pied depuis près de deux ans" une biographie, mais cette fois, autorisée, que publiera prochainement Gallimard, a expliqué Me de Leusse.

Dolto-Lumbroso, fin d’un imbroglio [Par Thomas GiovanettI | Libération : mercredi 12 septembre 2007]
La présentatrice de télévision, auteure d’une biographie de Françoise Dolto,a gagné son procès pour «injures» contre la fille de la pédopsychiatre.

Suite et fin de la polémique opposant Catherine Dolto à Daniela Lumbroso au sujet du livre de cette dernière, Françoise Dolto : la Vie d’une femme libre , paru en mars dernier chez Plon. L’ex-animatrice de télévision de Y a un début à tout vient de gagner le procès qu’elle avait intenté pour «injures non publiques» à l’encontre de Catherine Dolto, fille de la ­pédopsychiatre populaire. L’ouvrage en question s’était attiré les foudres tant de la critique que des spécialistes en psychologie, pour qui il ne s’agissait que d’un simple coup publicitaire en faveur de la présentatrice, et avait alimenté la machine à scandale du printemps jusqu’au début de l’été, Lumbroso enchaînant télés et radios pour se justifier.

 
 
Grandes ondes.  Mal écrit pour les uns, bourré d’inepties pour les autres, le litigieux ouvrage avait conduit Catherine Dolto à inonder les boîtes à lettres électroniques des journalistes, qualifiant l’animatrice de «canaille très prétentieuse» et de «médiocre présentatrice de télévision» dans un courriel daté du 31 janvier 2007, peu avant la mise en vente dudit livre. De plus, la fille de la psy grandes ondes, qui avait déjà tenté de lui bloquer l’accès aux archives de sa mère, appelait au boycottage médiatique de la vedette télévisée, exprimant son «dégoût» face à la publication de cette biographie «non auto­risée».
A l’audience, qui s’est tenue au tribunal de police du XIXe arrondissement de Paris, le 11 juin, l’avocat de Catherine Dolto avait qualifié le livre de «pillage éhonté de tout ce qui se trouvait dans les mémoires de Françoise Dolto». Le procureur général, représentant du ministère public, avait quant à lui invoqué «l’excuse de provocation», compte tenu de la célébrité et de l’importance des travaux de la ­psychiatre chrétienne. Les éditions Gallimard, qui préparent depuis deux ans une biographie officielle, en collaboration avec la psychanalyste Kathleen Kelley-Lainé, avaient pour l’occasion apporté leur soutien inconditionnel à la fille de Françoise Dolto, décriant le manque de sérieux du travail de l’ancienne rédactrice en chef du service culture de la chaîne LCI.
«Formidable».  La décision des juges a été sans appel ce lundi. Pour eux, les propos de Catherine Dolto ­repré­sentent une «expression outrageante traduisant le mépris de l’auteure», ce qui suffit à qualifier les faits d’injure. Au final, la fille de la psychana­lyste écope d’une contra­vention s’élevant à 38 euros, à ­laquelle s’ajoutent 1 euro symbolique de dommages et intérêts et 1 500 euros de frais de justice. Pour sa part, l’avocat de Daniela Lumbroso n’a, en revanche, pas réussi à obtenir les 20 000 euros de dommages et intérêts qu’il réclamait au titre du préjudice moral qu’aurait subi sa cliente, qualifiant l’affaire d’ «injure et de campagne orchestrée visant à censurer un livre avant même sa sortie». Par ailleurs, défendant mordicus le principe de la liberté d’expression, il estime qu’on «doit pouvoir publier ce que l’on veut sur Françoise Dolto, même si cela ne cor­respond pas complètement à l’image que s’en font ses enfants».
Pour sa part, Daniela Lumbroso juge la décision «formidable»: «Je voulais juste une condamnation. L’euro symbolique qui m’a été attribué me ­suffit entièrement. S’il y avait eu de l’argent, je l’aurais donné aux Maisons vertes créées par Françoise Dolto. Je souhaitais seulement que cette campagne de censure ne reste pas ­impunie.»