Laurent Le Vaguerèse | Oedipe | 14-03-2006
L’avant-projet des décrets d’application — qui sera soumis au Conseil d’État après avis du CNSER (Conseil National Supérieur de l’Enseignement et de la Recherche) et cosignés par le Ministre de la Santé et celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche — consacre l’avènement du pire.
C’est ce « scénario du pire » qui devrait réveiller l’ensemble des professionnels concernés et leur faire abandonner les rivages de l’invective et de la division.
Un front uni est encore possible pour tous ceux qui refusent cette recomposition du paysage de la santé mentale : psychanalystes, psychiatres, psychologues, psychothérapeutes et tous ceux qui se trouvent pris dans les attendus de cette politique : les travailleurs sociaux, les équipes soignantes, les étudiants en psychologie et jusqu’aux simples citoyens.
Si le projet de décret est adopté :
– Les Directions de l’Enseignement Supérieur et des universités, sous l’injonction du ministère de la santé, pourraient progressivement contraindre celles-ci à créer de nouveaux Masters formant de cette façon des praticiens concurrents de leurs propres étudiants psychologues. Progressivement, crédits et enseignants seraient attribués à ceux qui se soumettent à ces directives.
– Les « psychopathologues » issus de ces formations remplaceraient bientôt les psychologues considérés comme abusivement formés en dehors des critères définis par les décrets et défendant leur indépendance de pensée
– les psychiatres, espèce en voie de rapide disparition, seraient cantonnés, dans le cadre du nouveau parcours de soin, au rôle d’expert consulté en cas de besoin à la demande du généraliste et de distributeur de psychothérapies formatées en terme de nombre de séances et distribués aux psychopathologues patentés par les mutuelles ;
– la psychanalyse, bête noire de ceux qui veulent des professionnels à leur botte, se verrait peu à peu mise à l’écart de tous les lieux ou elle se trouve actuellement : Université, lieux de soins tant en psychiatrie qu’en médecine, champ social etc .
Profitant de nos divisions, la bureaucratie des systèmes d’évaluation du soin, de la formation et de la recherche nous entraîne dans la destruction de ce qui a été patiemment construit au fil des années par nos différentes professions pour répondre à la souffrance psychique.
Là ou nous peaufinons patiemment des stratégies délicates et subtiles eux se contentent de renverser la table de jeu.
Tous ensemble refusons cette politique, refusons cet avenir !
Laurent Le Vaguerèse