Gilbert Charles | L’Express | 21-02-2006
 
Le gouvernement cherchait le consensus. Raté! Les décrets d’application de la loi réglementant la profession mécontentent tout le monde.

Qui a le droit de se déclarer psychothérapeute? Après des mois de tergiversations, la concertation engagée par le ministère de la Santé avec les psys pour régler cette question est en train de se transformer en foire d’empoigne. La loi votée en 2005 pour réglementer cette profession suspectée d’être infiltrée par les sectes et le charlatanisme stipule que l’usage du titre de psychothérapeute doit être réservé aux professionnels ayant «suivi une formation en psychopathologie clinique» et dûment inscrits sur un «registre national des psychothérapeutes» créé pour l’occasion. Restait à définir les décrets d’application fixant en détail les règles de ce cadre général.

 

Soucieux d’éviter les guerres de clans, le ministère a réuni les représentants des spécialistes du secteur, toutes tendances confondues, le 10 janvier et le 21 février. Mais, loin de déboucher sur un consensus, le texte proposé par le sous-directeur général de la santé, Bernard Basset, semble mécontenter tout le monde. Les psychiatres et les psychologues redoutent que la formation prévue, «de niveau master», ne dévalorise leur titre. «On va créer une nouvelle profession sous-qualifiée qui va faire concurrence à tous les diplômés à bac + 5 qui aujourd’hui n’arrivent pas à trouver de travail», proteste Michèle Clément, secrétaire générale du Syndicat national des psychologues. Les psychanalystes s’opposent à ce que les psychothérapies de type analytique soient enseignées à l’université. Les décrets prévoient également que les candidats doivent justifier d’une «connaissance des quatre approches de psychothérapie validées scientifiquement: analytique, cognitivo-comportementaliste, systémique et intégrative». Cette mention sibylline a déclenché un tollé chez la plupart des psys: «L’Etat n’a pas à s’arroger le droit de définir le contenu des programmes enseignés à l’université!» s’insurge Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie clinique à l’université d’Aix-Marseille. D’autant plus que certains s’interrogent sur les deux dernières approches – systémique et intégrative – que bon nombre de spécialistes avouent être incapables de définir clairement. Le ministère a désormais le choix entre reporter la publication des décrets ou déclencher une nouvelle «guerre des psys».